Le projet de loi sur les grèves suscite des réactions. La très controversée mesure de prélever sur salaires des grévistes compte un nouvel adepte, le syndicaliste Hamid Chabat. Une position que ne partagent pas les autres syndicalistes que nous avons contacté. Le projet de loi sur la grève séduit. Cette fois, c'est un leader syndicaliste qui en a fait l'éloge. Hamid Chabat, l'homme fort du parti de l'Istiqlal, et secrétaire général de l'Union générale des travailleurs au Maroc (UGTM), s'est prononcé pour les prélèvements sur salaires dans la fonction publique que compte entreprendre le gouvernement Benkirane en cas de débrayages dans la fonction publique. Chabat a estimé qu'il est illogique de recourir à la grève et d'exiger d'être payé, précisant qu'il s'agit là d'un acte militant. Un avis qui est sur la même longueur d'onde que celui exprimé, en mars, par Mustapha El Khalfi précisant que «le gouvernement est convaincu de l'impossibilité de continuer à exercer le droit de grève tout en bénéficiant de la rémunération pour les jours de débrayage». Selon Chabat, la position de son syndicat ne constitue nullement une nouveauté, mais elle est parfaitement en phase avec les résolutions du dernier congrès, janvier 2009, de l'UGTM. Pour lui, il est temps d'adopter un cadre juridique à même de réguler le recours à la grève. Selon le maire de Fès, seules les centrales syndicales les plus représentatives (au Maroc, elles sont au nombre de cinq, l'Union marocaine du travail, Confédération démocratique du travail, la Fédération démocratique du travail, l'Union général des travailleurs au Maroc et l'Union nationale du travail au Maroc, ndlr), ont le droit d'appeler à des débrayages. L'opposition de l'UMT Cette ligne de conduite prônée par le secrétaire général de l'UGTM n'est nullement partagée par Said Sefsafi, membre de la commission administrative de l'UMT. Il dit que sa centrale est «hostile aux prélèvements sur salaires en cas de débrayages», estimant que c'est «une mesure pour briser le recours aux grèves, un droit constitutionnel arraché par les travailleurs et que toutes les constitutions, à commencer par la première celle de 1962, ont consacré». Notre interlocuteur pense que le cabinet Benkirane n'ira pas jusqu'au bout de sa volonté, estimant qu'il s'agit là de simples «menaces», brandies auparavant par d'autres gouvernements. Pour mémoire, en 2009, face à la montée des arrêts de travail dans la fonction publique, l'ancien premier ministre Abbas El Fassi s'était dit favorable à des ponctions de salaires avant d'opérer une marche arrière sous la menace d'une marche nationale à laquelle avait appelée tous les syndicats. La FDT, sur la même longueur d'onde C'est quasiment le même son de cloche auprès de Abdelmalek Afariat, parlementaire et membre de la direction de la FDT. Pour lui, «les propos de Chabat atteste que son syndicat n'est pas indépendant», allusion aux liens de proximité entre l'UGTM et l'Istiqlal. Et d'ajouter qu' «il aurait été préférable pour le gouvernement Benkirane, comme il a promis lors de la campagne électorale des législatives du 25 novembre, de plancher sur la résolution des problèmes masses laborieuses au lieu de menacer d'interdire les grèves». Le cabinet Benkirane compte présenter un projet de loi sur les grèves en juillet. «Jusqu'à présent nous n'avons reçu, en ce sens, aucun document officiel de la part du gouvernement», conclut Afariat. Les prochains mois seront décisifs pour l'issue de ce bras de fer, qui s'annonce difficile, entre une grande partie des syndicats et l'exécutif. Avant même que ne commence les hostilités, force est de constater que les centrales viennent de marquer un point. Elles ont contraint le gouvernement à reporter la présentation de ce projet de loi à juillet, évitant ainsi le spectre d'une année blanche à l'enseignement.