La classe ouvrière marocaine célèbre aujourd'hui la fête du travail, alors que le pays poursuit la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution du 1er juillet 2011, adoptée dans la foulée du printemps arabe, version marocaine. Cette célébration intervient aussi après l'avènement d'un nouveau gouvernement, nommé en application des dispositions de la nouvelle Constitution, lequel gouvernement cherche à satisfaire les besoins des travailleurs et à faire face aux nouveaux défis des mouvements de grève anarchiques, organisés en dehors même du cadre syndical. Pour y faire face, le gouvernement insiste auprès des partenaires sociaux sur la nécessité de donner la priorité à l'élaboration et à l'adoption avant la fin de l'année en cours d'une loi cadre sur les grèves et le droit syndical, alors que quelques syndicats estiment qu'il est plutôt impératif de se concentrer pour le moment sur d'autres dossiers inscrits dans le cadre du dialogue social. Pour ces syndicats, il est plutôt prioritaire de procéder à une refonte du statut de la fonction publique et des régimes de retraite, du statut des commissions paritaires pour l'organisation des élections professionnelles et à l'institutionnalisation du dialogue social, ainsi qu'à la mise en œuvre intégrale de l'accord du 26 avril 2011. De grandes centrales syndicales soutiennent toutefois l'idée d'élaborer dans les plus brefs délais de nouveaux textes régissant le droit de grève et le droit syndical pour “couper court à l'anarchie qui règne dans ce secteur”, rejoignant ainsi la décision du gouvernement d'adopter cette loi cadre dans le but de permettre notamment des prélèvements sur les salaires des grévistes dans le but de décourager les mouvements injustifiés et d'éviter que le citoyen ne soit l'otage permanent de ces débrayages. A ce propos le ministre de l'emploi et de la formation professionnelle, Abdelouahed Souhail est catégorique: Le gouvernement n'a nullement l'intention de limiter le droit de grève ou le droit syndical, à travers l'élaboration du projet de loi relatif à l'exercice du droit de grève et du projet de loi relatif aux syndicats professionnels, a-t-il dit lors d'une conférence de presse donnée vendredi dernier. Selon le ministre, le droit de grève comme le droit syndical font partie des droits consacrés par la Constitution et qu'il n'est pas question de leur porter atteinte. Au contraire, a-t-il dit, le gouvernement est tenu de garantir l'exercice de ces droits, sans négliger toutefois la protection de la liberté de travail et des biens publics et privés. Il a fait savoir à cette occasion que le gouvernement a opté pour une démarche participative dans le cadre de l'élaboration de ces textes, précisant que des notes ont été adressées le 13 mars aux partenaires pour avis et propositions. Ce qui importe le plus pour u certain nombre de syndicats, ce sont l'actualisation des textes régissant les commissions paritaires, dont les élections vont bientôt avoir lieu et la signature par le Maroc des conventions internationales concernant les libertés syndicales. Tout en reconnaissant que la nouvelle Constitution a renforcé leur rôle et leur place dans la société, nombre de syndicats précisent en effet qu'ils continueront à faire de l'amélioration des conditions matérielles et morales de la classe ouvrière leur cheval de bataille. Pour le Secrétaire général adjoint de l'Union marocaine du travail (UMT), Farouk Chahir, la célébration du 1er mai cette année intervient dans une conjoncture marquée par la détérioration des conditions de vie des travailleurs. C'est pourquoi, il est inadmissible pour l'UMT de remettre en cause les droits des travailleurs dont en premier lieu le droit de grève, a-t-il dit. Tout texte qui renie aux travailleurs le droit de recourir à la grève pour défendre leurs droits matériels est inacceptable par l'UMT, qui estime que la priorité doit être accordée cette année à la révision des régimes de retraite et à la sauvegarde des caisses de retraite à travers leur bonne gouvernance, a-t-il ajouté. L'UMT célèbre cette année la fête du travail sous le mot d'ordre: “la défense des droits et de la préservation des acquis des travailleurs”. Le secrétaire général de l'Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM), Hamid Chabat appelle pour sa part à l'application intégrale du protocole d'accord du 26 avril 2011 et à l'adoption des projets de loi régissant les syndicats et les partis politiques. Il insiste aussi sur la nécessité pour le gouvernement de faire des syndicats de véritables partenaires sociaux dans le cadre de l'élaboration de tous les projets de textes concernant le sort de la classe laborieuse. La Fédération démocratique du travail (FDT) indique de son côté que la fête du travail va être célébrée cette année sous le signe de “la protection des droits syndicaux, un levier du choix démocratique”, a indiqué Larbi Habachi, membre de la direction de la centrale. Pour le responsable syndical, la commémoration de cet évènement intervient dans un contexte de crise nationale et internationale marquée par une offensive sans précédent contre les droits et libertés syndicaux. Pour la FDT, a-t-il dit, tous les scénarii sont possibles dont en premier le recours à la grève pour faire respecter les droits des travailleurs et faire face à toutes les tentatives d'adoption d'un texte favorable à des prélèvements sur salaire en cas de grève.