Les entreprises marocaines opposées au magnat américain John Paul DeJoria dans l'affaire de Talsint ont saisi la Cour suprême des Etats-Unis. Elles veulent que la juridiction statue sur la contribution du milliardaire dans le changement d'une loi au Texas afin d'éviter l'application d'un verdict marocain le condamnant à payer plus de 969 MDH. La bataille judiciaire opposant le magnat américain John Paul DeJoria et des entreprises marocaines connaît un nouveau rebondissement. Lundi, les entreprises du royaume ont saisi la Cour suprême des Etats-Unis. Elles veulent que la plus haute juridiction du pays de l'Oncle Sam se saisisse de cette affaire dite de Talsint. Pour elles, la législation américaine ne doit pas «permettre aux riches plaignants de changer la loi à mi-chemin [de la procédure, ndlr]», rapporte ce mercredi le média américain Texas Tribune. Car, selon ce dernier, John Paul DeJoria a bel et bien poussé vers le changement de la loi de 2005 sur la reconnaissance du jugement monétaire des pays étrangers, dans l'optique d'esquiver le jugement prononcé contre lui par un tribunal marocain. Tout a commencé lorsqu'une commission américaine non partisane avait recommandé aux Etats-Unis d'ajouter de nouvelles protections pour les Américains faisant face à des jugements étrangers. Si plus de 20 Etats avaient appliqué cette recommandation, le Texas devait lui aussi suivre le même chemin. C'est dans ce sens que le magnat américain John Paul DeJoria a mobilisé ses lobbyistes et ses avocats. Objectif ? «Amener les législateurs du Texas à réviser la loi de l'Etat sur la reconnaissance des jugements étrangers», précise le média. Cela devrait donner une «seconde chance» à DeJoria pour éviter la décision prise par la justice marocaine. «Injuste ne signifie pas toujours inconstitutionnel» Pour ce faire, lobbyistes et avocats du magnant américain avaient visé des événements au Texas, à l'instar de la Biennale Texas Medal of Arts Awards, pour plaider la cause de leur client. C'est au lendemain de cet événement, tenu en février 2017, qu'un législateur à la Chambre basse de l'Etat du Texas et un autre au Sénat de l'Etat déposaient des projets de loi dans ce sens. L'Etat adoptera par la suite la «Loi uniforme sur la reconnaissance des jugements relatifs à l'argent dans des pays étrangers», qui donnera ainsi «aux plaideurs américains de nouvelles protections contre les tribunaux étrangers». Mais en gros, c'était aussi la bouée de sauvetage de John Paul DeJoria qui souhaitait se débarrasser de son «problème marocain». «Il y a une ironie profonde à permettre à DeJoria d'affirmer qu'il a été privé d'une procédure régulière au Maroc alors que ce sont ses efforts de lobbying qui ont changé les règles du jeu au milieu de la procédure aux Etats-Unis», a écrit le juge américain Gregg Costa pour qui «injuste ne signifie pas toujours inconstitutionnel». Comme le pétrole de Talsint, l'amende de 123M$ infligée à DeJoria disparaît tel un mirage Le magnat américain avait estimé, dans une interview, qu'il «n'y a pas de comparaison» entre ses efforts de lobbying et le «processus» de la justice au Maroc. «Ils n'ont pas adopté de loi pour moi. Ils ont ajouté à la loi ce qu'elle devait déjà contenir. De cette façon, cela me protège, moi et tous les autres habitants du Texas», avait-il assuré. Le conflit entre DeJoria et les entreprises marocaines date des années 2000. En 1999, il avait décidé de lancer un projet d'exploitation pétrolière à Talsint, au Maroc. Ses partenaires commerciaux et lui avaient alors fondé Lone Star Energy Corporation. Mais le projet prometteur n'avait jamais atteint ses objectifs. Un tribunal de commerce avait alors entamé le procès intenté par Maghreb Petroleum et l'a condamné à payer 969 832 062,22 dirhams. La même entreprise marocaine a alors entamé en 2013 une longue bataille aux Etats-Unis afin de «récupérer» les gains sur les actifs de DeJoria.