Si vous pensez que nos ancêtres connaissaient le tajine, la pastilla et le couscous comme nous le préparons aujourd'hui, détrompez-vous. Au fil des siècles, ces trois plats emblématiques du Maroc ont été influencés par des facteurs étrangers, des événements historiques, et l'échange de cultures culinaires qui se poursuit de nos jours. Bien que les trois pays du Maghreb se chamaillent souvent sur les origines de ce plat, le couscous reste maghrébin et précisément d'origine amazighe. «L'historien culinaire Lucie Bolens décrit des pots primitifs de couscous trouvés dans des tombes qui remontent au règne du roi berbère Massinissa c'est-à-dire entre 238 et 149 avant Jésus-Christ. Cette région d'Afrique du nord était particulièrement prospère et était considérée comme le Grenier de Rome», écrit la plateforme Les Délices du Maroc. De son côté, les auteurs de «Manger au Maghreb : Approche pluridisciplinaire des pratiques de table en Méditerranée du moyen-âge à nos jours, Partie 1» (Editions Presses Univ. du Mirail, 2006) affirment qu'à côté des Atriya-s (les pâtes, ndlr) d'origine arabe occidental sont également apparues d'autres formes de pâtes inconnues ailleurs : les fidawsh-s et le couscous. L'ouvrage les décrit comme «typiques de la cuisine du Maghreb et d'Al-Andalus, et dont l'origine lointaine se trouve probablement -du moins pour le couscous-, chez les Berbères du Maghreb occidental ou central (Maroc, Algérie), grands mangeurs de céréales». Couscous, le ta'am made in Maghreb Pour cet ouvrage, le couscous, «caractéristique du lexique culinaire maghrébin, ne semble pourtant pas avoir été en usage courant avant le XIIe-XIIIe siècle, bien que le met qu'il désigne y soit attesté dès le Xe siècle, sous un autre vocabulaire : ta'am». «L'utilisation du mot ta'am pour couscous sera confirmée au XIIe siècle dans un livre important sur la vie des mystiques marocains, le Tashawwuf (soufisme, ndlr) d'Abi Ya'Kub a Tadili surnommé Ibn a-Zayyat, écrit en 1220-1221 (…) Quelques occurrences relatives à l'Atlas marocain, à l'époque almoravide, y soulignent que le ta'am d'orge constituait déjà une nourriture ordinaire chez les montagnards.» Extrait de «Manger au Maghreb» De son côté, Mohamed Houbaida, auteur de «Le Maroc végétarien, 15ème-18ème siècles : Histoire et biologie» (Editions Eddif, 2008) cite des textes datant des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles et qui «attestent de la présence [du couscous] en Italie, en Espagne, en France et en Angleterre». «Une recette italienne de couscous de Bartoloméo Scappi, cuisinier du Pape Pie V, datée de 1570, parle d'une semoule réduite en grains, cuite à la vapeur dans une casserole à fond troué, assaisonnée d'un bouillon de viande de vache, de mouton et de porc, et saupoudrée de fromage râpé, de sucre et de cannelle». La même source assure qu'une autre recette espagnole, relève du livre de Fransisco Martinez Montino, cuisinier de Philippe III, roi d'Espagne, avait été écrite en 1611. «La France, par exemple, découvre le couscous à la fin du XVIIe siècle par le biais de l'ambassadeur marocain Ben Aïcha quand les journaux de l'époque ont décrit son repas préféré», écrit-il. Et d'affirmer que «le couscous, qui semble être d'origine berbère, est le repas maghrébin par excellence». «Les Maghrébins en font usage depuis l'oasis de Mzab dans le sud de la Tunisie jusqu'à Marrakech dans le sud du Maroc et ce, dès les Xe et XIe siècles. Mais ce n'est qu'au XVe siècle, pour le Maroc notamment, que le couscous "apparaît, selon Mohamed Oubahli (…) comme étant la base de l'alimentation quotidienne à la fois du peuple et des élites".» Mohamed Houbaida C'est peut-être cette conclusion même qui poussera le Maroc, l'Algérie et la Tunisie d'abandonner leur guéguerre sur le couscous afin de présenter, avec la Mauritanie, une candidature conjointe en avril dernier à l'Unesco. Objectif : inscrire ce plat maghrébin d'origine amazighe sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité. Mais au fil des siècles, ce plat ancestral n'a pas manqué d'évoluer. Du classique couscous aux légumes au couscous avec la tfaya, le ta'am a su évoluer pour s'adapter à tous les goûts.