Cette semaine, les autorités marocaines ont mené à nouveau des raids sur des camps de migrants à Nador, procédant par la même occasion au déplacement forcé d'un groupe de 90 Subsahariens vers la frontière avec l'Algérie. Une action qui indigne les associatifs et militants des droits humains, dont l'AMDH et le GADEM. Les conditions météorologiques difficiles en ce début d'hiver ne semblent pas empêcher les autorités marocaines à Nador de poursuivre les campagnes de déplacements forcés de migrants subsahariens loin des côtes méditerranéennes. Jeudi, la section Nador de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) a affirmé avoir «constaté deux bus devant le centre d'enfermement d'Arekmane à Nador, au bord desquels 90 migrants subsahariens viennent d'être éloignés de nuit et dans un froid glacial vers la région désertique de la frontière algéro-marocain». «Ces bus ne s'arrêtent qu'une fois à l'extrême sud de Jerada ou Oujda, dans une désertique où il neige des fois et où il fait très froid actuellement», compète Omar Naji, président de l'AMDH-Nador, joint ce vendredi par Yabiladi. AMDH Nador a constaté aujourd'hui 2 bus devant le centre d'enfermement d'Arekmane à nador, au bord desquels 90 migrants subsahariens viennent d'être éloignés de nuit et dans in froid glacial vers la région désertique de la frontière algero marocaine. Quel humanisme!! pic.twitter.com/b0poTbidFX — AMDH Nador (@NadorAmdh) 21 novembre 2019 Conditions difficiles et risques sécuritaires sur une frontière théoriquement fermée Pour le militant, «ce ne sont plus des déplacements vers le Sud, et notamment Tiznit et nous n'avons pas encore d'explications». Il rappelle que c'était déjà le cas en 2013 et 2014 lorsque ces migrants étaient plutôt renvoyés vers les frontières Est du royaume. «Ces déplacements avaient pourtant cessé pour une période. Si ces migrants ne sont pas interpellés par l'armée algérienne, ils retournent à Nador et dans le nord», déplore-t-il. Cette campagne de déplacements forcés depuis les villes du nord semble reprendre. Mercredi, l'AMDH a dénoncé un assaut mené par les autorités marocaines sur des maisons louées par des migrants dans l'optique de les déplacer aussi. Il risquent tout autant un déplacement forcé vers le Sud ou éventuellement vers la frontière avec l'Algérie. Le même jour, des attaques nocturnes contre les campements des migrants à Nador ont été dénoncées par l'ONG via sa page Facebook. Contactée par Yabiladi, la coordinatrice général du Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM), Camille Denis, précise ne pas avoir plus d'informations sur cette nouvelle campagne. Mais elle rappelle que ces déplacements forcés vers la frontière avec l'Algérie ne sont pas une pratique nouvelle. «Déjà l'année dernière, le GADEM avait soulevé cette question pour le cas d'un groupe de migrants et en 2016 aussi. La pratique avait diminué depuis l'annonce de la politique migratoire du royaume mais n'a jamais cessé», nous rappelle-t-elle. «Au-delà des conditions météorologiques difficiles actuellement, ces déplacements forcés soulèvent de sérieuses questions sur les risques sécuritaires pour ces migrants qui, pour certains qui passent du côté algérien, peuvent être renvoyés vers le Niger», déplore-t-elle. Des migrants déplacés de Nador qui finissent au Mali ? Et c'est d'ailleurs le cas. Jointe par notre rédaction, Aimée Lokaké, présidente de la Communauté congolaise au Maroc et membre du Conseil des migrants subsahariens au Maroc rapporte le cas d'une migrante subsaharienne. «J'ai l'appelée et elle m'a indiqué qu'elle était à Nador avant d'être déplacée avec d'autres migrants vers l'Algérie, qui les a à son tour expulsés vers le Niger. Elle se retrouve actuellement au Mali», informe-t-elle. «Ce qui se passe en route et ce qu'ils subissent, on ne le sait pas. Mais nous sommes dans le devoir de protéger les humains», ajoute-t-elle. «J'ai appelé des ressortissants à Oujda qui m'ont indiqué qu'il s'agit de migrants en situation administrative irrégulière qui voulaient faire la traversée», informe-t-elle encore. Aimée Lokaké insiste aussi sur la nécessité d'encadrer ces personnes et les sensibiliser «au lieu de les déplacer comme ça, surtout qu'un drame peut leur arriver alors que leurs familles croient qu'ils se trouvent ici au Maroc». Président ODT-I (syndicat pour les travailleurs migrants), Amadou Sadio Baldé dénonce aussi ces déplacements. «A l'état où nous sommes, soit une phase de l'intégration de migrants, nous déplorons ces déplacements et la précarité qu'ils occasionnent. Nous ne pouvons pas cautionner ces actes», affirme-t-il. Pour lui, «l'intégration étant un processus long, le Maroc doit prendre en considération la situation de ces migrants et leurs conditions».