Si la victoire du PJD est sans appel, l'opposition au gouvernement dirigé par les islamistes, elle, sera plus que farouche. A commencer par les fameux partis du G8 ; une partie de l'élite politico-économique ; mais aussi le Mouvement du 20 février qui compte dans ses rangs, Al Adl wal ihsane. Ce dernier, ne réfute pas le dialogue avec ses frères du PJD, mais se demande si le gouvernement aura les pleins pouvoirs pour faire bouger les lignes : la reconnaissance du mouvement de Cheikh Yassine. «Nous souhaitons dialoguer avec le Mouvement du 20 février, ce sont nos enfants et nos frères, au même titre que les membres d'Al Adl wal Ihsan». Tel est le désir exprimé par le victorieux chef de file des islamistes du PJD, Abdelilah Benkirane. C'était lors de sa première sortie face à la presse, dimanche 27 novembre, presque au même moment où son parti était déclaré vainqueur du scrutin avec 107 sièges sur 395. Le tonitruant Benkirane, nommé Chef du gouvernement ce mardi par Mohammed VI, se veut rassembleur, dans un Maroc qui apprend à faire la place aux voix contestataires. Al Adl wal Ihsane, est l'un de ces mouvements qui ne cachent pas leur rejet du régime monarchique actuel. A l'opposé, leurs frères islamistes du PJD ne manquent jamais de rappeler leur attachement à la monarchie. Dimanche dernier, pendant que le PJD fêtait sa victoire, les membres de la Jamaâ battaient le macadam à Rabat en scandant haut et fort : «pas de justice, pas de développement… Ceci n'est pas une démocratie». Pour le mouvement de Cheikh Abdesalam Yassine, ces élections n'étaient pas plus qu'une mascarade. En même tant, Al Adl wal Ihsane n'exclut aucunement de prendre langue avec le gouvernement dirigé par le PJD. «Nous ne refusons pas le dialogue. Nous sommes ouverts au dialogue. M. Benkirane nous tend la main, mais dans quel cadre ?», se demande le porte parole de la Jamaâ, Fathallah Arselane, joint par Yabiladi.com. Pour cet adepte de la vision de Cheikh Yassine, «le dossier d'Al Adl, est un gros dossier». Par conséquent, le mouvement se demande si le gouvernement a le poids de résoudre ce problème. «Cela dépasse le gouvernement» répète Arselane qui n'exige rien d'autre que «la reconnaissance» de la Jamaâ. Mohamed Darif : Le défi du PJD c'est la reconnaissance d'Al Adl Le politologue Mohamed Darif décortique les relations entre les frères islamistes et se demande lui aussi, si le PJD pourra faire bouger les lignes. Quels sont les points de convergence et de divergence entre le PJD et Al Adl ? Le PJD est un parti ayant une référence islamique et Al Adl incarne l'Islam politique. De nombreuses positions les différencient. Le parti de Benkirane est monarchiste alors qu'Al Adl est un mouvement islamiste contestataire. Leurs divergences persistent depuis longtemps mais cela n'a pas empêché des rapprochements, surtout sur les dossiers qui touchent à la Oumma islamique, à savoir la Palestine, l'Irak ou encore l'Afghanistan. Mais depuis le début du printemps arabe, le fossé se creuse. Le PJD a eu une position hostile à Al Adl qui fait partie du Mouvement du 20 février. Al Adl réclame une monarchie parlementaire alors que le PJD parle d'une monarchie démocratique. De même, la réforme constitutionnelle et les législatives ont été des facteurs de divergences de positions entre les deux entités.
Est-ce qu'un dialogue peut réussir entre les deux parties ? Il est opportun de se poser cette question. D'autant plus que le PJD est arrivé aux commandes. Mais la grande question est de savoir si le gouvernement dirigé par le PJD a le droit d'autoriser Al Adl wal Ihsane ? Est-ce qu'il peut, de manière officielle et pas officieuse, entamer le dialogue avec ce mouvement.
Un véritable défi donc ? C'est un défi à relever pour le PJD. S'il n'arrive pas à résoudre ce problème, ce sera considéré comme un échec.