William Willshire était un célère diplomate du consulat d'Angleterre au Maroc au XIXe siècle. Sa double casquette de vice-consul et de marchand du sultan alaouite Moulay Abderrahmane lui permettent à cette époque de devenir un sauveur des captifs anglais et étrangers au Maroc auxquels il proposait, via un «office de rédemption de chrétiens de l'esclavage», toute aide possible dont ils avaient besoin. Histoire Au XIXe siècle, au moment où Essaouira se distinguait comme l'un des plus importants ports du royaume chérifien, un Anglais a su se faire un nom au sein de l'ancienne Mogador. William Willshire occupa, entre 1814 et 1844, le poste de vice-consul du Royaume-Uni au Maroc. Il était également agent de l'entreprise britannique Ironmongers Company of London et grand marchand de l'époque. Mais ce ressortissant anglais était surtout célèbre pour son engagement auprès des captifs britanniques et étrangers au Maroc. On lui doit notamment la libération de plusieurs britanniques connus à l'époque, comme le capitaine James Riley, Robert Adamset ou encore le capitaine Alexander Scott. Certains d'entre eux lui rendront hommage dans leurs livres, d'autres iront encore plus loin dans leur reconnaissance de son rôle dans leurs libérations. Un vice-consul amoureux des affaires avec le Makhzen William Willshire est né à Londres en 1790. Après avoir gravi les échelons au sein de l'entreprise britannique Ironmongers Company of London, il est envoyé au Maroc en tant qu'agent en 1814. Il devient, quelques mois plus tard, vice-consul de la Grande-Bretagne et chargé d'affaires du consul général des Etats-Unis à Tanger puis à Mogador. Lorsque le prince Moulay Abderrahmane est nommé gouverneur de Mogador, William Willshire commence à émerger en tant que marchand de renommé. Une fois Moulay Abderrahmane devenu sultan du Maroc, le vice-consul est érigé comme l'un des trois «Tujjars» (marchands) du sultan à Essaouira, aux côtés de Meir Ben Maqnin, le «marchand juif» du sultan. «Willshire lui-même était l'un des rares marchands d'Essaouira à entretenir des relations étroites avec Ben Maqnin, d'autres marchands juifs et le sultan. Le vice-consul était aussi, en réalité lié au sultan dans le cadre d'un contrat de dette contractée qui lui était remboursée par mensualité», raconte Daniel J. Schroeter dans «The Sultan's Jew: Morocco and the Sephardi World» (Editions Stanford University Press, 2002). Diplomates marocains #14 : Meir Ben Maqnin, le «marchand juif du sultan» Ainsi, Willshire cultive «prudemment» des liens étroits avec le sultan. «J'ai toujours rencontré la plus grande attention et la plus grande politesse de la part de Sa Majesté, durant sa résidence en tant que gouverneur de cette ville», raconte Wiliam Willshire en 1823 dans une lettre adressée au Foreign Office (ministère britannique des Affaires étrangères). Et lorsque Moulay Abderrahman, alors nouveau sultan du royaume chérifien, répond à une lettre des marchands d'Essaouira le félicitant pour sa succession au trône, Willshire reçoit même une considération spéciale, poursuit Daniel J. Schroeter. Wiliam Willshire, occupait le poste de vice-consul anglais à Mogador. / Ph. DR Le sauveur des Britanniques captifs au Maroc Mais à côté de ses missions consulaires et ses affaires avec le Makhzen marocain, William Willshire était devenu célèbre pour une autre mission. Il était connu pour être le sauveur des Britanniques et des étrangers captifs au Maroc. Ainsi, dans «New voyages and travels: originals and translations» (1923) de Richard Philips et «The Literary Journal» (1821), on raconte comment ce diplomate anglais a aidé, en 1816, le capitaine Alexander Scott ayant survécu au Maroc en tant que captif pendant 6 ans avant de s'échapper. Une fois libre, ce marin britannique rencontra un Marocain qui lui suggèra de contacter le consulat général de l'Angleterre à Mogador et se chargea de transporter cette correspondance. «Après une absence de huit jours, il rentre avec une lettre de William Willshire, le vice-consul d'Angleterre à Mogador, qui envoie un cheval à Scott et 27 dollars pour acheter des provisions», raconte-t-on dans «New voyages and travels: originals and translations». Ce dernier rapporte les compliments et les remerciement pour la fidélité avec laquelle Wiliam Willshire a «dirigé l'agréable office de rédemption de chrétiens de l'esclavage» et ne manque pas de rendre hommage à l'entreprise britannique ayant, elle aussi, contribué à cette mission. Mogador vue du Sud-ouest. / Ph. Gallica «Chaque marin britannique sera heureux de constater que ses confrères marins, qui ont peut-être la malchance d'être arrivés sur cette côte déserte, n'ont qu'à suggérer à l'Arabe qui les revendique comme ses captifs de les conduire au district ou au quartier de Wednoon, puis écrire au vice-consul d'Angleterre à Mogador et ils recevront sans délai l'argent pour leur rédemption», poursuit Richard Philips. Alexander Scott recevra «toute l'attention de M. Willshire pendant son séjour à Mogador, qui a payé sa rançon au Maure». Arrivé à Mogador le 31 août, ce capitaine anglais la quitte le 11 novembre à bord d'un navire pour rentrer à Londres le 9 décembre 1816. Willshire contribue aussi à la libération du capitaine du navire de commerce américain, James Riley, qui a été capturé après son naufrage aux côtés de son équipage. Un marchand tombé dans la disgrâce du sultan L'histoire du capitaine James Riley et de Willshire a survécu grâce au livre de l'Américain intitulé «Sufferings in Africa: The Incredible True Story of a Shipwreck, Enslavement, and Survival on the Sahara» (Editions Skyhorse Publishing Inc., 2007). Considéré par le président Abraham Lincoln comme l'un des ouvrages l'ayant influencé, les mémoires de Riley rappellent ses souffrances au Maroc entre les mains de ses ravisseurs marocains. Cependant, le livre accorde une attention particulière à la gentillesse de Willshire, l'homme qui a mis fin à cette dure épreuve. «Je ne peux pas omettre de mentionner ici l'attention particulière accordée par M. Willshire à ma première lettre», a écrit le capitaine Riley, qui, avec l'aide d'un Marocain appelé Sidi Hamet, a réussi à envoyer une lettre à Willshire pour que ce dernier le libère. Le capitaine américain James Riley, sauvé par William Willshire. / Ph. DR Riley, condamné à des travaux forcés aux côtés de son équipe, était heureux d'écrire sur l'aide fournie par Willshire. «Sidi Hamet (le porteur de la lettre) est venu à la porte de Swearah ou de Mogador, il a été rencontré par hasard par Rais Ben Cossim, qui était le seul où M. Willshire avait placé sa confiance et traité en ami», raconte l'Américain. Une fois la lettre remise à ses soins, le vice-consul britannique a alors «proposé de libérer [Riley] et [ses] hommes». Cette opération de sauvetage marque le début d'une longue amitié entre le vice-consul anglais et le capitaine américain. Les récits historiques suggèrent que les deux hommes sont devenus des amis proches et des partenaires commerciaux. Riley avait même nommé son fils après William Willshire alors que ce dernier décidait de s'installer aux Etats-Unis et d'acheter une maison là-bas pour rejoindre son vieil ami après son départ à la retraite. Bien que le rêve américain de Willshire ne se soit pas réalisé, le capitaine Riley et à son retour aux Etats-Unis, donnera le nom de son ami britannique, Willshire, à une ville qu'il avait fondée dans l'Ohio. Le bombardement de Mogador par l'armée française. / Illustration Mais au Maroc, les missions du diplomate prendront fin lorsqu'en 1844, Willshire aurait accumulé l'une des plus grosses dettes de tous les marchands d'Essaouira. Cette année, pendant que l'armée française bombardait Mogador, le diplomate s'évade, laissant derrière lui des dettes considérables. Son agent à Marrakech, Slomo Corcos, qui avait la garde du fonds de l'ancien vice-consul, a alors été ordonné par le sultan de s'installer à Essaouira en 1846 et de recouvrer la dette de Willshire.