C'est demain jeudi que sera lancé officiellement le chantier de la ligne de Train Grande Vitesse (TGV) reliant Tanger à Casablanca. «Décroché» par Alstom, Nicolas Sarkozy fera même le déplacement au Maroc pour inaugurer ce projet, conjointement avec Mohamed VI. Mais la présence du président français n'arrive pas à dissiper la suspicion autour de l'utilité du lourd investissement du TGV, ni faire oublier les débuts difficiles du tramway de Rabat, et encore moins les difficultés que connait le TGV en France. Dès 2015, le Maroc se dotera d'une ligne de Train Grande Vitesse qui fera la liaison entre les deux pôles économiques que sont Casablanca et Tanger, réduisant le trajet à 2h10 au lieu de 4h45 aujourd'hui. Sarkozy sera de la partie au lancement du projet demain. Un projet grandiose dont le coût fait grincer des dents les observateurs avertis. Le Maroc sera le premier pays africain et le premier pays arabe à disposer du TGV pour un total de 33milliards de dhs, au lieu des 20 milliards de dhs annoncés en 2010. L'état met la main à la pâte en y apportant 4,8 milliards de dhs. Le Fonds Hassan II participera à hauteur d'un milliard de dhs. Le reste se répartit entre des dons français et européens de 1,9milliards, et 12,3 milliards de dhs proviennent de prêts «assortis de conditions avantageuses» selon la MAP. Les 13 milliards restants sont prévus pour la modernisation des réseaux de chemin de fer actuels, mais leur provenance reste un mystère. Les générations futures vont devoir payer. La crise du TGV en France et l'échec du tramway ailleurs inquiètent «La France dispose d'une des industries ferroviaires les plus performantes au monde [...] je vous confirme que nous allons investir comme jamais dans le ferroviaire» annonçait pompeusement Nicolas Sarkozy lors de l'inauguration de la première partie du dernier TGV Paris-Rhin-Rhône, début septembre. Sauf que depuis 1981, la France peine à payer son TGV : à la fin de l'année, la dette supportée par Réseau ferré de France (RFF) avoisinera les 29 milliards d'euros. La SNCF déclare également que 30% de ses lignes TGV ne sont pas rentables actuellement. Notre Office National des Chemins de Fer (ONCF) table quant à lui sur 8 millions de passagers sur le Tanger-Casablanca, sans préciser pour l'instant le coût du trajet qui risque d'être fort élevé pour les bourses marocaines. Rappelons que l'une des raisons principales de l'échec du tramway de Rabat a été jusque là le prix inadapté du ticket. Par ailleurs, «si le tramway est un moyen de transport efficace, pourquoi a-t-il disparu dans des centaines de villes du monde, dont Casablanca après l'indépendance, et a été remplacé par le bus et le métro?» se demande ce bloggeur marocain qui trouve une réponse simple : son inefficacité. «Caprice royal» ou «exigence de Sarkozy» ? Même si le TGV n'est pas appelé à disparaitre pour le moment, le rapport entre la nécessité de ce projet pour le Maroc et son coût inquiète. Pourquoi vouloir une LGV alors que les lignes Marrakech-Agadir, Essaouira-Safi, Béni Mella et bien d'autres encore sont inexistantes ? Comment peut-on financer une LGV à hauteur de 20 milliards de dhs pendant que des privés se battent pour réunir 7,7 milliards de dhs pour la construction d'une autoroute Fez-Tanger Med très demandée par les entreprises des deux régions ? Pour certains il s'agit d'un «caprice royal», d'autres parlent plutôt d'une «exigence de Sarkozy». Sans doute les deux. Signe de modernité, l'idée d'un TGV a tout de suite plu au Royaume Chérifien quand la France a «suggéré» l'idée, en remplacement des avions rafales que le Maroc devait lui acheter. Les Français n'ayant pas pu vendre les rafales au Maroc, qui leur a préféré des F-16 américains, ont eu pour compensation le contrat du TGV et du tramway pour Alstom. La Banque européenne d'investissement s'était d'ailleurs retirée du financement du TGV pour cette même raison : le contrat a été accordé à Alstom sans qu'il n'y ait eu aucun appel d'offre. Le Maroc a donc dû faire appel à quelques «frères» du Golfe pour le financement de cette «lubie». Une lubie, certainement. Puisqu'il est difficile d'imaginer l'intelligence de mobiliser 20 milliards de dhs pour que quelques milliers de personnes gagnent 2h30 lors de leur déplacement vers Tanger. Encore faut-il que le prix du ticket soit à la portée de tous.