Le contrat-programme spécifique à l'écosystème ferroviaire, bien qu'annoncé pour 2017, n'a toujours pas été signé, souligne la CFCIM. Avec le lancement de projets d'envergure tels que la LGV ou les tramways de Rabat et Casablanca, le Maroc a l'ambition de réitérer dans le secteur ferroviaire le même succès que celui rencontré dans l'automobile. Tel est du moins le constat de la CFCIM dressé dans le nouveau numéro de son bulletin mensuel « Conjoncture ». Néanmoins, elle estime que le secteur, même s'il est le plus développé en Afrique et même s'il n'y a pas absence des compétences et de savoirfaire qui ne font pas défaut, doit être structuré et soutenu de manière à être plus compétitif sur les marchés internationaux. « À l'instar de l'automobile ou de l'aéronautique, les chaînes de production de l'industrie ferroviaire sont globalisées. Un phénomène que la crise de la Covid-19 a particulièrement mis en lumière ces derniers mois. Chaque pays qui se lance dans la course doit effectuer des arbitrages, à savoir sur quels métiers ou quels segments se positionner, car il lui sera impossible d'être compétitif sur l'ensemble de la chaîne de valeur », explique la même source. Numérisation du secteur, un défi à relever De plus, l'industrie ferroviaire connaît actuellement de profondes mutations technologiques, notamment depuis l'avènement du digital et des « smart cities ». L'innovation sera donc dans les années à venir l'un des principaux critères de différenciation et, par conséquent, l'un des principaux vecteurs de compétitivité dans l'industrie ferroviaire, est-il indiqué. « Les équipements liés à la digitalisation et à l'industrie 4.0 seront de plus en plus courants dans un train ou un tramway et ils représenteront un coût très conséquent », annonce Saïd Benahajjou, Président du Cluster Electronique Mécatronique Mécanique du Maroc (C3MM). Les innovations telles que le train à énergie solaire vont également permettre de réduire davantage l'empreinte carbone du rail, estime encore une fois la Chambre Française de Commerce et d'Industrie du Maroc. A quand la signature du contrat-programme spécifique à l'écosystème ferroviaire ? Dans ce document, l'accent a été mis également sur quelques freins au développement de l'écosystème ferroviaire marocain. Citant l'ONCF (Office National des Chemins de Fer), la CFCIM souligne que les domaines suivants sont à développer, à savoir l'ingénierie et les méthodes, la certification et la normalisation, les systèmes de traction, les organes de roulements, la transmission et la suspension et, enfin, les essieux, roues et rails. De même, la CFCIM déplore l'absence d'une réelle vision commune pour fédérer les opérateurs du secteur et promouvoir leur savoir-faire sur les marchés internationaux. Elle déplore également la non-signature encore du contrat-programme spécifique à l'écosystème, bien qu'annoncé pour 2017, qui n'a toujours pas été conclu avec l'Etat. En effet, c'est lors du Rail Industry Summit, tenu à Casablanca en novembre 2017, que la signature officielle de la mise en chantier de l'écosystème avait été promise pour décembre 2017. En vertu de cette feuille de route, les objectifs de l'écosystème ferroviaire doivent être définis par l'ONCF et par les ministères de tutelle (Equipement, Economie & Finances). Le but est de porter à 23% la contribution du secteur au PIB, participer activement au rééquilibrage de la balance commerciale par la mise en place des infrastructures nécessaires, et créer 500.000 nouveaux emplois. Il est également question de réaliser les objectifs du Plan Maroc Rail 2040, à savoir un réseau LGV de près de 1500 kilomètres, environ 2700 kilomètres de lignes classiques, d'ouvrir et d'équiper de nouvelles lignes, de renouveler le réseau existant sur près de 2000 kilomètres et, enfin, de renforcer le réseau du tramway urbain sur les principales villes du Royaume. « Or, pour aller à la conquête de nouveaux marchés à l'export, les entreprises doivent bénéficier d'un accompagnement complet », recommande la CFCIM. « Il faut mener un vrai lobbying et de vraies grandes actions pour faire reconnaître le "Made in Morocco" », selon Saïd Benahajjou. Les atouts de la filière La CFCIM admet quand même que la filière ferroviaire marocaine possède des atouts majeurs à ne pas négliger. Le premier atout soulevé est que les équipementiers comme Alstom ou Bombardier (qui s'est aujourd'hui retiré du Maroc) ont cherché à développer leur propre écosystème autour de leurs activités. À Fès, c'est un véritable pôle industriel qui a vu le jour autour d'Alstom, notamment avec sa nouvelle usine Cabliance. « Le site de Fès est une unité 100 % Alstom qui livre des faisceaux et des armoires électriques. La production est destinée à l'export. Certains équipements qui y seront fabriqués seront intégrés dans du matériel destiné au marché marocain, comme c'est le cas pour les lignes 3 et 4 du tramway de Casablanca, ainsi que les tramways de Rabat. Il y a tout un écosystème dont nous avons besoin pour mener notre activité. Nous avons une vingtaine d'entreprises avec qui nous collaborons et qui nous livrent du matériel que nous intégrons dans nos fabrications et que nous adressons ensuite à l'Europe », fait savoir Nourddine Rhalmi, PDG d'Alstom Maroc. Autre avantage soulevé par la CFCIM dans son bulletin « Conjoncture » est qu'il existe au Maroc un tissu industriel local mature dans les domaines suivants : la chaudronnerie, le câblage, le vitrage, le montage et l'assemblage, la peinture, les matériaux composites et le caoutchouc, les contrôles et les essais, ainsi que dans les aménagements et le confort. Certaines unités travaillent même exclusivement à l'export. Possibilité de mettre en place des synergies inter-filières Dans le même ordre d'idées, la CFCIM note que l'un des atouts de cet écosystème, c'est que certains métiers rejoignent ceux d'autres filières comme l'automobile ou l'aéronautique. Il est donc possible de mettre en place des synergies inter-filières. « Les secteurs comme l'automobile, l'aéronautique, le naval ou les énergies renouvelables utilisent les mêmes moyens industriels que le ferroviaire. Hormis quelques entreprises spécialisées à 100 % dans l'aéronautique ou autres, la plupart sont multi-domaines », explique Saïd Benahajjou. Quoiqu'il en soit, l'ONCF estime que le secteur ferroviaire marocain, sous l'impulsion du Plan Rail Maroc 2040, connaît un essor important. A l'horizon 2035, elle souhaite construire 1500 km de ligne dédiée à la LGV et atteindre l'objectif de 133 millions de voyageurs sur l'ensemble du réseau contre 26,5 millions en 2015. Plan Rail Maroc 2040 Le Plan Rail Maroc 2040 (PRM) est un schéma directeur de long terme portant sur le développement à l'horizon 2040 du réseau ferré national dans ses différentes composantes. Il prend en compte la cartographie des besoins de transport futurs, déclinés en besoins de services ferroviaires puis en banque de projets. Bâti autour de hubs, reliés entre eux à l'intérieur de corridors de déplacement par des TGV, des trains régionaux et navettes, le PRM assurera un maillage dense du Royaume et participera de manière décisive aux politiques d'aménagement des territoires. Ce plan, dont le coût de financement est 375 milliards DH, permettra de desservir 43 villes marocaines (au lieu de 23 villes actuellement), de relier 12 ports et 15 aéroports internationaux au rail, et la création de 300.000 emplois... Repères « Al Boraq », le premier TGV en Afrique La journée du Jeudi 15 novembre 2018 restera gravée à jamais dans les annales du secteur ferroviaire au Maroc avec l'inauguration par SM le Roi et le président français Emmanuel Macron de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) « Al Boraq » Tanger-Casablanca. Lancé en 2007 par SM le Roi et l'ancien président français Nicolas Sarkozy, ce chantier colossal a été mené dans une région soumise à des risques sismiques, dans des zones parfois marécageuses et soumises à de forts vents. Le TGV « Al Boraq » permet de relier Casablanca et Tanger, en apportant une solution convenable et durable à une demande de mobilité en croissance continue. Grâce à cette première ligne, les temps de parcours sont considérablement réduits et passent à 50mn au lieu de 3h15mn pour le voyage Tanger – Kénitra, 1h20mn au lieu de 3h45mn pour Tanger – Rabat, et 2h10mn au lieu de 4h45mn pour Tanger – Casablanca. Le chiffre d'affaires de l'ONCF en baisse Durant le premier trimestre de 2020 (du 1er janvier au 20 mars), pas moins de 8,8 millions de clients ont choisi le train pour leurs déplacements, soit + 11% par rapport à la même période de l'année 2019 et les trains ONCF, tous types confondus, ont affiché une régularité globale de 95%. Ces chiffres ont été communiqués en marge de la tenue, le 23 décembre 2020, du Conseil d'administration de l'ONCF. Pour le TGV Al Boraq, le nombre de ses clients a augmenté de 28% en comparaison avec l'année précédente et ses trains ont affiché plus de 97,4% de régularité. Avec la réduction du trafic Voyageurs, l'ONCF prévoit une baisse du chiffre d'affaires 2020 limitée à -30% grâce à la résilience des activités fret et phosphate.