Le Maroc acceptera-t-il de négocier directement avec le Polisario alors qu'il conteste la légitimité du mouvement à représenter les Sahraouis ? La marge de manœuvre de Rabat semble réduite, au moment où elle est étroitement surveillée par un certain John Bolton. Le Maroc refuse de s'assoir autour de la même table avec des représentants du Polisario. Faisant fi de l'opposition du royaume, Horst Köhler s'apprête à lancer, dans les semaines à venir, des invitations aux parties concernées pour se préparer à un nouveau round de pourparlers avant la fin de l'année. Rabat ne peut ignorer que dans sa résolution 2414, votée le 29 avril, comme lors du briefing du 8 août dernier, le Conseil de sécurité a apporté son appui aux efforts de l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental. En effet et après l'échec des réunions informelles, initiées en 2009 par Christopher Ross et dont la dernière en date remonte à mars 2012, le temps est venu d'essayer un autre modèle dont l'expérimentation par le passé ne s'est pas avérée concluante. Le Maroc ne risque-t-il pas de se tirer une balle dans le pied ? Négocier directement avec une délégation du Front équivaut pour le Maroc à se tirer une balle dans le pied. Et pour cause, sa nouvelle stratégie d'abord auprès de l'Union européenne et ensuite avec les Nations unies se résume à contester la légitimité du Polisario à représenter les Sahraouis. Une ligne politique qu'il a adoptée avec Bruxelles pour contourner les deux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur les accords de pêche et d'association. Et également avec l'ONU à l'occasion de la réunion du 6 mars à Lisbonne avec Köhler. Dans la capitale portugaise, la délégation marocaine comptait la présence des présidents des régions Laâyoune Sakia Al-Hamra et Dakhla-Oued Eddahab, à savoir Sidi Hamdi Ould et Ynja Khattat. Ce dernier est un ancien cadre du Polisario. En mai et juin derniers, la diplomatie marocaine a réalisé, par ailleurs, deux percées à l'occasion des sessions du Comité des 24 relevant de la 4e Commission de l'ONU des affaires politiques et de la décolonisation en garantissant la participation de deux élus sahraouis. Force est de constater que le Maroc a pris le virage de l'ouverture sur les Sahraouis, tardivement. Il s'est privé de cette option, il y a plus de deux décennies, lors des grands ralliements de hauts cadres du Polisario dont des membres fondateurs (tels que Bachir Dkhil, Brahim Hakim, Omar El Hadrami, Mustapha Ould Souilem et Gajmoula Bent Abbi). L'occasion était alors propice pour le royaume de présenter ce groupe à la communauté internationale comme une alternative au Polisario. Des proches du roi avaient mené les négociations à Manhasset Le Maroc a officiellement négocié directement avec le Front durant les quatre rounds de Manhasset de 2007 à 2008. Les négociateurs marocains étaient des proches du roi Mohammed VI, tels Taieb Fassi Fihri, alors ministre délégué aux Affaires érangères, Fouad Ali El Himma, ministre délégué à l'Intérieur, et Yassine Mansouri, chef de la DGED Article modifié le 13/08/2018 à 23h24