Dans le pays du soleil couchant, il ne faut surtout pas dire que certains médecins s'absentent à loisir, ne font pas leur travail ou encore sont corrompus. S'il y avait des preuves qu'on ne peut rien attendre du corps médical pour opérer un changement positif dans le domaine de la santé au Maroc, c'est bien l'affaire du Dr Mehdi Echafî. Ses confrères surtout, qui subissent les mêmes désagréments que lui, le laissent batailler presque seul. Pire encore, dans les forums, ils attendent sa chute... tonitruante. Il ne s'agit aucunement ici de cautionner les attaques personnelles de tel ou tel responsable, mais de repositionner le débat vers l'essentiel et de supporter une volonté de faire face au dysfonctionnement ambiant, nuisible à la prise en charge sanitaire des patients. Voilà un jeune chirurgien pédiatre fraîchement diplômé et affecté dans une ville périphérique qui essaie de faire son travail et le crie à tous ceux qui ont des oreilles et qui nous les rabâchent nuit et jour par le changement, les plans d'actions et les réformes, qui demeurent, force est de le constater, infructueuses. Mehdi Echafî s'est retrouvé, à l'instar de bon nombre de ses collègues, comme un corps étranger au sein d'un magma gluant ne pouvant le traîner que vers le bas. Il n'a pas accepté le fonctionnement malsain du système, qui fait payer au prix fort les patients et leurs familles. Il a dit non à cette mascarade. Tout le monde connaît les ficelles d'un système qui malmène les pauvres patients, leur occasionnant ainsi une perte de dignité et un avilissement de tous les instants. Tout ceci parce que la maladie et le besoin les ont mis sur le chemin des établissements de soins publics. Menaces à peine voilées Comme il le dit lui-même dans ses interviews, une fois que tu es confronté à ce système, tu n'as pas d'autres voies. Soit tu travailles le moins possible afin d'encourager le départ des patients vers le privé, la corruption et les passe-droits, soit tu résistes, mais comme la résistance demande du cran et de ne pas avoir de failles, elle est difficile à mener. Alors il y a une troisième voie à emprunter par un nombre important de praticiens : l'abandon vers le privé ou carrément vers d'autres cieux. Quant à certains acteurs de santé, qui ont compris le jeu et s'y sont adaptés, ils ne trouvent rien à redire. Ils travaillent le moins possible, s'absentent, dévient les patients, empochent la corruption, établissent des certificats de complaisance et j'en passe. Le sentiment de l'impunité étant la règle, ils ne sont que rarement devant des conseils de discipline ou traduits en justice. Pour avoir dénoncé des manquements du personnel lors de mes activités bénévoles dans certains hôpitaux publics, j'ai reçu des menaces à peine voilées de faire en sorte de m'interdire l'accès aux hôpitaux et par conséquent aux patients démunis. Dans le pays du soleil couchant, il ne faut surtout pas dire que certains médecins s'absentent à loisir, ne font pas leur travail ou encore sont corrompus. Les corporations n'ont de bon que de défendre ces malfrats. Tandis que ceux qui souhaitent améliorer le service rendu aux patients et pointer les dysfonctionnements, comme Echafî, eux n'ont aucun soutien. Pire, on regarde de loin, amusés par ce combat de David contre Goliath en misant sur le comment et quand David sera mis à terre.