Le début d'année 2011 a connu une intensification des révoltes arabes avec la chute des présidents tunisiens et egyptien. Le 20 février, inspirés par ces exemples, des milliers de Marocains, descendent dans les rues pour entamer leur «révolution», à l'appel du Mouvement du 20 février. Ils n'avaient pas demandé un changement à la tête de l'Etat, mais une limitation des pouvoirs du roi. Qu'ont-ils obtenus six mois après le début de ce vent de révolte au Maroc ? Leur mouvement tient-il toujours ou est-il en train de s'essouffler face au «Makhzen»? Eléments de réponses. Ce week-end, les 34 millions de Marocains et leur roi ont célébré le 58ème anniversaire de la Révolution du roi et du peuple, renouvelant le pacte qui unie le souverain à ses administrés. Au même moment, des milliers d'autres Marocains battaient le macadam dans plusieurs grandes villes du royaume pour exiger davantage de réformes politiques et sociales : Ce sont les militants du Mouvement du 20 février (M20), «un microcosme des forces vives de la société marocaine» pour paraphraser le politologue Youssef Blal. Au lendemain des révolutions tunisienne et égyptienne, ce mouvement composé d'entités hétérogènes voire opposées, a attiré vers le royaume le vent de contestation qui balaie le monde arabe depuis la fin 2010. Des jeunes gauchistes ; militants d'Al Adl wal ihssane ; du mouvement culturel amazigh marocain et d'importantes cohortes de jeunes chômeurs et de contestataires aguerris ont joint leurs forces pour fonder ce mouvement, soutenus par les plus importantes des centrales syndicales, de leaders d'opinion et quelques hommes d'affaires. Nouvelle constitution… Le 20 février, le Maroc connaissait ainsi sa première manifestation d'envergure contre le régime, depuis l'intronisation de Mohammed VI en 1999. Au moins 35 000 personnes selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, sont sorties ce jour-là réclamer des réformes politiques, sociales et économiques. L'instauration d'une monarchie parlementaire, l'adoption d'une nouvelle constitution démocratique et la fin de l'implication du palais dans les affaires économiques figuraient parmi les nombreuses revendications du M20, à côté de celles exigeant la fin de la corruption, de la «hogra» et de l'exclusion sociale. Six mois après le déclenchement de ce mouvement populaire, qu'est ce qui a été obtenu du régime ? «Le Mouvement a pu mettre la pression sur les autorités. Celles-ci ont très vite répondu à notre exigence de changer la constitution, alors que cela ne figurait pas sur leur agenda des dix prochaines années». Cette réponse d'un des jeunes activistes du M20, Montassir Sakhi, résume parfaitement l'une des rares concessions obtenues du «Makhzen». Une constitution «octroyée» qui est loin de «répondre à nos attentes», avance-t-on au sein du mouvement. Nouveau souffle Toutefois, le succès du M20 ne serait pas à voir sous cet angle selon certains interlocuteurs. «Le mouvement a redonné un nouveau souffle à l'action politique dans sa dimension transformatrice», constate le politique Youssef Blal. Ce «mouvement social et politique n'est qu'à ses débuts, promet Montassir Sakhi. Aujourd'hui, les citoyens ordinaires n'ont plus peur de descendre dans la rue, même les agents de l'administration. En Tunisie et en Egypte, les mouvements de contestation ont commencé des années auparavant pour enfin déboucher sur la chute des dirigeants». Pour ce jeune militant, «le M20 n'est que le premier acte d'un grand réveil social et politique au Maroc». Le mouvement contestataire a réussi à s'implanter dans la quasi-totalité des villes du royaume et parvient à mobiliser des milliers de manifestants chaque week-end. Une énième preuve de sa popularité, selon ses membres qui font face néanmoins à de nombreuses dissensions internes. Vers l'éclatement du M20 ? En effet, c'est l'une des plus grandes faiblesses du M20 et potentiellement un facteur de son futur éclatement. «Nous n'arrivons pas à dépasser nos contradictions internes et nous concentrer sur l'ennemi principal, à savoir le Makhzen», reconnait un membre du mouvement. Ces bisbilles internes ont même fait éclater plusieurs sections locales, ajoute notre source. Dernière illustration, la non participation d'Al Adl wal ihssane aux marches organisées ce week-end (20-21 août). Le mouvement de Cheikh Yassine dit se concentrer sur la série de manifestations qu'il compte organiser dans les jours à venir, en guise de soutien au peuple syrien. Suffisant pour confirmer que les intérêts particuliers priment sur l'intérêt général au sein du M20. Autre point faible du mouvement, il ne mobilise que les militants des entités qui le composent. Il peine désormais à séduire et à recruter dans la société marocaine, qui semble se satisfaire des ouvertures faites par le régime. Les intellectuels marocains, par crainte ou par manque d'adhésion aux idéaux de ses acteurs, restent également à l'écart du M20 qui commence à donner des signes d'essoufflement, face à un «Makhzen» qui a repris la main depuis l'adoption de la nouvelle constitution. Toutefois, il ne faut pas en déduire que c'est la fin de la partie. «L'Etat fait face à problèmes budgétaires, la situation sociale s'annonce donc tendue [l'année prochaine]» avertit Youssef Blal. Une aubaine pour les contestataires du M20. Mais aussi l'heure de vérité pour le pouvoir, que la nouvelle constitution condamne à ranger les matraques et à privilégier le dialogue à la répression, face au réveil politique et social de la société marocaine.