Abdessadek El Bouchtaoui s'est exilé en Europe depuis mars dernier, peu avant sa condamnation en appel à deux ans de prison ferme. Depuis, il s'est fait plus discret. Ce mardi, l'avocat des détenus du Hirak s'est exprimé dans une longue interview au quotidien néerlandais De Volkskrant. Abdessadek El Bouchtaoui s'est installé depuis mars dernier en Europe. L'avocat emblématique de la défense des détenus du Hirak a décidé de demander l'asile politique. Abdessadek El Bouchtaoui a ainsi choisi l'exil et il s'exprime pour la première fois dans un média néerlandais, en l'occurrence le quotidien De Volkskrant. L'avocat marocain est devenu très méfiant. Il ne répond plus au téléphone, n'envoie plus de messages et n'a plus de page Facebook. Il pense aussi qu'il est sur écoute. En s'installant en Suisse, Abdessadek El Bouchtaoui veut continuer son travail de défenseur des droits de l'Homme. Le choix du pays n'est pas anodin, comme il l'explique. Il aurait très bien pu s'installer en France comme beaucoup de Marocains. «Si je m'installais en France, c'est presque comme si je restais au Maroc (…) Les autorités marocaines me surveillent là-bas. J'ai déjà eu affaire à des menaces», explique-t-il au quotidien néerlandais. Batailler pour la justice Pour l'avocat exilé, les premiers responsables de ce qui se passe dans le Rif sont «l'entourage du roi (…) Par exemple, les conseillers du roi ont plus de pouvoir que le chef du gouvernement (…) Dans le cas du Rif, ce dernier n'a même pas le droit de donner son avis. Il est juste fonctionnaire», indique-t-il. Il qualifie les personnes entourant le roi de «puissants et riches», ajoutant que si ces businessmen «parlent aux activistes, c'est un danger». Abdessadek El Bouchtaoui avait choisi de défendre les détenus du Hirak à sa manière, en rejoignant en premier lieu le collectif d'avocats chargés de leur défense, puis en révélant tout publiquement : «Si je dis tout en public, sur Facebook, dans la presse, je pense que c'est un très bon moyen de défendre les prisonniers. J'ai gardé le contact avec les Nations unies. J'avais donné des informations à Amnesty International tous les jours. C'est une guerre pour la vérité et les autorités marocaines veulent cacher cette vérité.» Il accuse notamment la police de torture lors des procès-verbaux : «Les détenus sont soumis à la torture et à l'humiliation. Ils ont été forcés de signer le rapport officiel». L'avocat cite en exemple un journaliste qui avait refusé de signer le PV : «Cinq agents cagoulés sont rentrés, ils avaient une bouteille sur eux et avaient menacé de le violer avec. Ils avaient même commencé à le déshabiller. Il avait fini par signer, je pense.» «Il n'y a pas de justice, je ne voulais pas continuer à participer à cette mascarade.» Abdessadek El Bouchtaoui Une durée indéterminée d'exil Dans un précédent entretien avec Yabiladi, Abdessadek El Bouchtaoui avait déclaré préférer défendre les détenus du Hirak depuis l'étranger, par le biais de la pression internationale. Sa durée d'exil est indéterminée. Il avait déclaré : «J'espère qu'à travers mon travail et celui de tous ceux qui soutiennent les détenus depuis l'extérieur du Maroc, notre pays pourra atteindre un jour la véritable réconciliation. Et avec les militants du Hirak, et avec nos concitoyens de manière globale.» Le 8 février, il avait été condamné à 20 mois de prison ferme par le tribunal de première instance d'Al Hoceïma. Après avoir pu quitter le territoire, la Cour d'appel a revu cette peine à la hausse en le condamnant à deux ans de prison ferme. Le Parquet lui reproche d'avoir «insulté des fonctionnaires et des représentants de l'autorité dans l'exercice de leur fonction», en plus d'avoir incité «à commettre des délits» et «organisé des rassemblements non autorisés».