Walter Harris était l'un des nombreux expatriés kidnappés par le leader des Jbalas, Ahmed Raissouni. Le journaliste du Times avait été envoyé au Maroc avec une délégation diplomatique. Dans son livre «Le Maroc disparu» (Edition Dar Al Aman), le Britannique raconte l'aventure de sa capture par les hommes de Raissouni. Au nord du Maroc, le leader des Jbalas, Moulay Ahmed Raissouni, avait un grand pouvoir. Il avait un gang de bandits qui s'opposaient au Makhzen et qui faisaient tout leur possible pour défendre leur territoire, Zinat (région de Tétouan). Lors de deux précédents articles, Yabiladi avait raconté le kidnapping d'Ion Perdicaris, un expatrié greco-américain et Caïd Maclean, général écossais et instructeur de l'armée marocaine. La première victime de Raissouni était toutefois Walter Burton Harris, un journaliste et écrivain britannique qui avait accompagné une mission diplomatique au Maroc en 1887. Le correspondant du Times a été kidnappé par les hommes de Raissouni en 1903, un souvenir qu'il relate dans son livre «Le Maroc disparu» (Edition Dar Al Aman, 1921). Walter Burton Harris dessiné par John Lavery. Et tout comme Ion Perdicaris qui avait confié ne «pas regretter d'avoir été le prisonnier de Raissouni pendant un certain temps», Walter Harris s'est aussi lié d'amitié avec son kidnappeur et a été friand de détails sur le côté humain du brigand. Rencontrer Raissouni L'histoire du Londonien avec Moulay Ahmed Raissouni a commencé bien avant son enlèvement. «Je campais pour une partie de chasse près d'Arzeila (ancienne appelation d'Assilah, ndlr), quand [Raissouni] et ses hommes m'ont rendu visite et ont passé la nuit dans le camp», écrit Harris pour décrire sa première rencontre avec Raissouni. A ce moment-là, ce dernier était très préoccupé par son arrestation et son emprisonnement par Abd-al-Rahman Abd El-Sadok, le pacha de Tanger, ainsi que celle de son cousin et frère adoptif. Cet incident avait fait de lui un homme plus fort. Le journaliste britannique considérait que Raissouni avait une personnalité fascinante, il était «grand, avec une beauté remarquable et une peau des plus blanches, une petite barbe noire, une moustache et des yeux noirs sur un profil grec plutôt symétrique». Lors de leur première rencontre, Raissouni était blessé, triste et souriait rarement. Harris était à l'écoute du natif de Zinat qui racontait son histoire douloureuse en prison. Zinat en flammes Les deux hommes ne savaient pas qu'ils allaient se rencontrer dans des circonstances différentes. «Le 16 juin 1903, les troupes chérifiennes attaquèrent et brulèrent Zinat», cette attaque a été faite dans le but de prendre Raissouni, écrivait le journaliste du Times. Le jour même, Harris a visité le village avec son palefrenier dont les parents vivaient à Zinat. Walter Harris était inquiet sur la sécurité de la famille de son domestique. Il se rendit donc sur place et a été capturé par les hommes de Raissouni. «Fuir était impossible et comme j'étais sans arme, toute résistance était impossible», expliquait le journaliste. «De tous les côtés surgirent des guerriers et en quelques secondes, j'étais pris et entouré par trente ou quarante indigènes armés de fusils européens. Je ne fus pas maltraité, mais ils me dirent que j'étais prisonnier et que je devais me rendre à Zinat.» Walter B. Harris Neuf jours à Zinat Etonnamment, Walter B. Harris n'a pas été traité de manière brutale par les bandits et a été capturé à Zinat pendant neuf jours. Même s'il a rencontré une fois Raissouni qui l'a protégé contre les hommes de la tribu en colère, Harris a enduré beaucoup de difficultés lors de son kidnapping. «La chambre dans laquelle je me trouvais était très sombre, ne recevant de lumière que par une petite lucarne placée près du toit, et mes yeux mirent longtemps à s'habituer aux ténèbres», écrivait-il. Harris est resté neuf jours dans cette chambre, où il a eu une seule visite de Raissouni. Le leader des Jbalas, «très poli», a confié au journaliste qu'«il ne désirait qu'une chose, faire le plus de mal possible au gouvernement marocain. Il prétendait qu'il n'y avait pas de meilleur moyen d'ennuyer le makhzen que de tuer [Harris]». Cependant, Moulay Ahmed Raissouni promit de protéger Harris, le rassurant que des négociations étaient en cours pour sa remise en liberté. Le Britannique s'est donné corps et âme pour se sortir de cette situation. Le 4 juillet de la même année, une grande réunion de la tribu a eu lieu pour débattre de sa remise en liberté. «Le Chrif d'Ouezzane» était présent lors de l'événement et a négocié pour sauver la vie d'Harris. «Sa présence opportune régla mon sort, et les négociations se terminèrent, mais non sans opposition sérieuse. Le jour d'après, un grand contingent d'indigènes, le cheikh et moi partîmes pour Tanger», écrivait Walter Harris.