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Raïssouni et le donjon d'Asilah
Publié dans La Gazette du Maroc le 31 - 07 - 2006

Le début du XXe siècle est dominé, dans la région de Tanger, par le personnage de Moulay Ahmed Raïssouni, bandit célèbre du Rif qui écume les routes du royaume et rançonne les populations. Asilah devient son repaire. Et avant d'être arrêté par le leader rifain Abdelkrim, il y fait édifier un superbe palais : « Ksar Raïssouni » utilisé aujourd'hui pour diverses manifestations culturelles.
En 1905, le chef tribal Raïssouni est nommé gouverneur du Fahs
par le Sultan Moulay Hafid; puis plus tard, gouverneur du Pays Jbala. C'est cette même année qu'il fait construire le palais d'Asilah. 1905 marque aussi le début des manœuvres européennes à Tanger. Guillaume II d'Allemagne, débarque en Mars et traverse la ville pour marquer son irritation envers les autres puissances. Asilah est à cette époque la ville de ce chef tribal qui règne sur les tribus du nord. Son palais situé dans la médina, donne sur la mer, près des remparts laissés par les Portugais, abrite aujourd'hui des ateliers d'art et des rencontres internationales culturelles et artistiques lors du festival d'été. De style architectural maroco-andalous, il a été réhabilitée en un espace de rencontres culturelles et artistiques. Pour construire son palais, Raïssouni fit appel aux spécialistes les plus renommés en matière de peinture et sculpture sur plâtre et sur bois, des fabricants de " zelliges ". Ce Palais de la culture est donc considéré comme un chef-d'œuvre de l'architecture andalouse. Il a été restauré grâce à l'intervention de la Fondation du Forum d'Asilah en août 1996. Sorte de résidence pour artistes, il abrite aussi des ateliers de gravure et de peinture pendant le moussem d'Asilah.
Raïssouni, bandit, collaborateur ou résistant… ?
En 1895 dans « Le Maroc inconnu », Auguste Mouliéras écrit : "A-t-on jamais vu un Rifain mourir de mort naturelle ? Tous périssent par le fer ou les balles." En effet, le banditisme qui sévissait au Nord-Ouest du Maroc à la fin du XIXe siècle crée de graves problèmes au Makhzen. Celui-ci, rétif à la pénétration étrangère, a tendance à tolérer et protéger des hommes "sans foi ni loi". Cela augmente la popularité de certains bandits à l'allure de fonctionnaires respectables qui rendent les conditions d'existence des Européens encore plus difficiles. Or celui qui incarne le mieux cet esprit dissident à l'époque est Ahmed ben Mohamed el Raïssouni. Ce célèbre Jabli nait à Zinat, dans le Fahs, à 15 km de Tanger vers la fin du XIXème siècle. La rudesse des montagnes est augmentée par l'oppression des autorités. Et Raïssouni s'imprègne bien vite de tous ces brigands et détrousseurs de grands chemins qui sévissent dans la région. En 1876, le pacha de Tanger met provisoirement fin à ses exactions et le fait emprisonner dans l'île de Mogador. Le banditisme de Raïssouni se nourrit d'un désir de vengeance (dû à des blessures personnelles) et de la recherche d'acquis matériels individuels. Le Marquis de Segonzac dit de lui qu'il est "le plus redoutable rafleur de troupeaux et massacreur de bergers. Il acquiert ainsi, de bonne heure, un renom d'audace, de cruauté et de richesse, qui est l'auréole des grands aventuriers".
Les victimes sont nombreuses. En 1903, le correspondant du Times, Walter Harris, est enlevé par Raïssouni. L'année suivante, l'Américain d'origine grecque Ion Perdicaris et son gendre sont kidnappés avant d'être libérés contre rançon. L'acte connaît un retentissement international comme en témoigne un télégramme envoyé par le Département d'Etat Américain à son représentant à Tanger : « this government wants Perdicaris alive or Raissouni dead ». L'escadre Américaine intervient directement sur Tanger, pour la libération de ses ressortissants, à l'est de Fez. Mais Raïssouni sait qu'il est devenu le maître incontesté du Fahs et décide d'étendre son influence sur les territoires adjacents. Il devient caïd du Fahs en 1904. Et entre 1904 et 1906, il réussit à réprimer plusieurs soulèvements. Bien que ses fonctions officielles soient circonscrites à la banlieue tangéroise, ses bandes armées ne cessent d'intervenir en ville. Il désigne même, pour le représenter, un khlifa qui siége au grand Socco. Celui-ci, à la barbe des autorités chérifiennes, rançonne villageois et citadins, impose des sanctions et perçoit des impôts pour le compte de Raïssouni. Pensant mettre fin à ces excès, le Makhzen nomme Bel Ghazi (ancien pacha de Tétouan) pacha de Tanger. Une véritable bataille s'engage sur le Socco, entre Bel Ghazi et Raïssouni qui finit par être chassé de la ville. Mais Raïssouni ne se sent pas pour autant vaincu. Il a un ascendant réel sur le délégué du sultan à Tanger, Mohamed Torrès. Dès lors, il administre la région à partir de Zinat et impose sa nomination au Makhzen par la force.
Raïssoni, le paria
Paradoxalement, son mandat inspire au marquis de Segonzac ces propos : "Les premiers mois du commandement de Raïssouni, furent idylliques : ce brigand devenu gendarme mit autant de zèle à faire régner l'ordre, la sécurité, l'honnêteté, qu'il avait déployé jadis à les violer. Ses méthodes, expéditives et péremptoires, donnaient des résultats appréciables : jamais les impôts n'avaient été plus fructueux, ni les prisons si peuplées. Sa police exerçait une justice prompte et sommaire qui ne connaissait aucune frontière : il faisait bâtonner ses victimes jusque sur le seuil des légations européennes. Si bien qu'avant même que fut révolue la première année de sa dictature, une immense clameur de protestation s'éleva de toute la région". Tout cela ne l'empêche pas d'être accueilli en libérateur lorsqu'il fomente, en 1906, la destitution du pacha de Arzila (Asilah). Le corps diplomatique entreprend en 1906 une démarche collective auprès du Makhzen pour demander la destitution de Raïssouni. La même année, le sultan Moulay Abdelaziz établit un dahir révoquant Raïssouni de ses fonctions. Son fief, Zinat, est brûlé et pillé. Le caïd, déchu, prend la fuite et se range du côté de la rébellion. Pour rallier à sa cause les montagnards, il maquille son insurrection d'un semblant de nationalisme. Face à son discours mystificateur, bon nombre de marabouts se rangent à ses côtés et décident de le protéger. Afin d'éviter toute escalade, le Makhzen offre une récompense pour sa capture. Raïssouni se réfugie dans différentes zaouias de la région (celle de Tazrout, du jebel Alam chez Sidi Youssef Tlidi, Ak-Hmas…). Il procède au rapt de Sir Harry Mac Lean, en juillet 1907, pour la "négociation-marchandage" avec le Makhzen. La légation anglaise lui octroie une rançon de 20.000 livres, la restitution de son harem, la possibilité d'achat de biens à Tanger, la protection pour lui et sa famille et lui rend ainsi son pouvoir. Opposé à l'invasion des Français dans le Gharb et sur son fief, Raïssouni choisit de faciliter la domination espagnole. Son poids politique prend de l'ampleur, dans cette région Jbala où le « chérifisme » fleurit. Raïssouni se reconnaît descendant du prophète. Il se rattache à la mystique musulmane de Moulay Abdeslam Ben M'Chich et se considère comme l'égal du Sultan. Il décide de traiter d'égal à égal avec le substitut du sultan pour la zone d'influence espagnole et se pose comme prétendant légitime au sultanat. Un acte rédigé en 1914 le nomme "Sultan des Montagnes". Raïssouni devient l'allié incontournable des Espagnols qui le fournissent en armes et argent. Mais son état dans l'état est pour les Espagnols, un véritable obstacle à la pacification. Il dit d'ailleurs lui-même souvent : "Les Berbères sont mes serviteurs, les Espagnols sont mes esclaves. Les Français sont mes ennemis, et les Allemands sont mes alliés..." Lyautey n'apprécie guère "l'importance et la situation qu'est en train de prendre Raïssouni. Que les Espagnols en fassent le pivot dans leur zone, cela les regarde avec tous les risques que cela comporte pour eux-mêmes s'ils étaient seuls. Mais nous sommes à côté et nous ne pouvons nous en désintéresser pour des raisons bien simples : Raïssouni est l'homme de l'Allemagne dont il a certainement touché des subsides. Il est en relation notoire avec le consul de Tétouan. Il nous est hostile et ne se sert des Espagnols que pour se retourner ensuite contre nous... Ses agents annoncent dans tout le Nord du Maroc français la venue prochaine de Raïssouni avec l'appui des allemands..." Les Espagnols conviennent de cette menace en 1919 et décident de l'éliminer. Raïssouni se retranche dans les montagnes et proclame la guerre Sainte. À la même époque, Abdelkrim remporte une bataille à Anoual. Les deux hommes tentent de rallier leurs forces mais c'est un échec ! Raïssouni voit en Abdelkrim un rival et non un allié. Jaloux des victoires d'Abdelkrim, il reste indifférent à la cause rifaine, ses intérêts personnels passant avant tout. La lutte entre les deux hommes s'accentue en 1923. Mais Abdelkrim possède un avantage sur son adversaire : la pureté de son combat. Quant à Raïssouni, bien que chérif authentique, il n'est que l'homme lige des Espagnols et des Allemands. En 1922, les Espagnols déclarent Raïssouni hors-la-loi. En 1924, les Espagnols sont contraints d'évacuer Chaouen. Raïssouni refuse de reconnaître l'autorité d'Abdelkrim sur la région. En 1925, Abdelkrim fait arrêter Raïssouni. Kheriro, chef rifain (proche de Abdelkrim) prend position à Tazrout (où Raïssouni s'est réfugié) jusqu'à la capitulation du "Sultan des montagnes" le 26 janvier 1925. Raïssouni est porté, pendant sept jours sur une litière de bois jusqu'à la tribu rifaine des Béni Boufrah. Il ne cesse de clamer :"Riez de ma chute et de mon humiliation. Le jour viendra où vous donnerez tout, pour que je revienne. Mais il sera trop tard. " Les Rifains l'amènent en février de la même année, à Tamassint dans la tribu des Béni Ouriaghel. Raïssouni meurt le 3 avril 1925. Sean Connery a joué le rôle de Raïssouni dans un film intitulé «  le lion et le vent » (the wind and lion ).


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