Le businessman Ion Perdicaris, kidnappé par des hommes de Moulay Ahmed Raissouni, était impressionné par le courage et la bravoure du leader des Jbalas. Après une crise entre Theodore Roosevelt et Moulay Abdelaziz, il a confié avoir apprécié la compagnie de Raissouni. En 1904, Tanger fut secouée par la célèbre affaire Perdicaris, quand le leader des Jbalas, Moulay Ahmed Raissouni, avait planifié l'enlèvement de l'homme d'affaires américain d'origine grecque. Ce dernier avait déménagé au Maroc avec son épouse britannique et son beau-fils. L'armée de Raissouni avait visé sa villa à Tanger, en kidnappant les deux hommes et en laissant plusieurs domestiques blessés. L'affaire prit rapidement de l'ampleur, dépassant les frontières du Maroc. En effet, elle fut marquée par l'intervention de trois grands noms de la politique du XXe siècle : Theodore Roosevelt, Moulay Abdelaziz et Moulay Ahmed Raissouni. La descente du palais de Nightingales Le 18 mai 1904, les bandits de Raissouni avaient visé le palais de Nightingales, un manoir que Ion Perdicaris construisit dans les faubourgs de Tanger. Le businessman et son beau-fils, Cromwell Varley, étaient en train de dîner sur la terrasse lorsqu'ils furent soudainement interrompus par les cris des domestiques. «Ils accoururent vers la scène. Un gang de berbères les saisit violemment, en pointant des armes sur eux et en leur attachant les mains», écrit Capital Century qui décrit l'histoire. Moulay Ahmed Raissouni, l'homme à l'origine de l'enlèvement du Gréco-américain. / Ph. DR Ion Perdicaris et Cromwell Varley avaient été forcés de monter sur des chevaux et de faire un long trajet avec les hommes de Raissouni, laissant derrière eux Mme Perdicaris. Kidnappés, les deux expatriés purent enfin découvrir le responsable de leur enlèvement. Il s'agissait de Moulay Ahmed Raissouni, connu sous plusieurs casquettes : pirate, robin des bois, rebelle ou gangster. Toutefois, les deux hommes n'avaient aucune idée de la raison de leur enlèvement. Moulay Ahmed Raissouni savait que cette opération surprendrait son rival, le sultan Moulay Abdelaziz. Une rançon de 70 000 dollars «Raissouni envoya une liste de demandes irréalisables pour la libération des otages à son ennemi : le versement de 70 000 dollars d'or, un laissez-passer pour tous les membres de sa tribu, et le plus scandaleux, sa reconnaissance en tant que Pacha du sultan ou gouverneur de deux provinces autour de Tanger.» C'est ainsi que le leader des Jbalas décida de prouver au monde que le sultan était incapable d'assurer la sécurité des citoyens étrangers dans son royaume. Rapidement, la nouvelle se propagea et toutes les forces impériales furent tenues au courant du kidnapping de Perdicaris. Aussi étrange que cela puisse paraître, l'otage de 64 ans n'avait pas réagi de la manière prévue. Il avait compris les motivations de Raissouni et avait même apprécié sa bravoure et son courage. Certaines sources historiques suggèrent même que Ion Perdicaris était devenu un ami du leader marocain. Se lier d'amitié avec son ravisseur «J'irais même jusqu'à dire que je n'ai pas regretté d'être son prisonnier pour quelque temps», écrivit plus tard Ion Perdicaris : Ce n'était ni un bandit, ni un meurtrier, mais un patriote forcé de faire des actes de brigandage pour sauver sa terre natale et son peuple du joug de la tyrannie.» Toutefois, les faits n'étaient pas perçus de la même manière aux Etats-Unis. Les Américains avaient interprété l'incident comme une menace. En tant que citoyen américain, Ion Perdicaris était défendu avec ferveur par son pays. Theodore Roosevelt, en lice pour la présidentielle pour son second mandat, avait vivement réagi à l'incident. «Perdicaris vivant ou Raissouni mort» L'ancien président américain avait ordonné à son secrétaire d'Etat, John Hay, d'agir rapidement concernant cette situation. Selon des témoignages, le consul américain à Tanger, Samuel R. Gummere était galvanisé. D'après la même source, «sept navires de guerre de la flotte atlantique ont été dispatchés le long de la côte marocaine», suite aux ordres du président Roosevelt. Ce dernier était prêt à tout pour sauver le citoyen américain qui avait en réalité abandonné son passeport américain pour un grec, 40 ans avant les faits. Roosevelt voyait alors dans cet enlèvement une opportunité qui pourrait servir sa campagne présidentielle. Il déclara sa célèbre phrase restée célèbre : «Perdicaris vivant ou Raissouni mort.» Ion Perdicaris, l'homme kidnappé par Moulay Ahmed Raissouni. / Ph. DR Theodore Roosevelt fit pression sur Moulay Abdelaziz pour le paiement de la rançon. Le 21 juin, le sultan accepta de donner à Moulay Ahmed Raissouni ce qu'il demandait. Quelques jours plus tard, le leader des Jbalas reçut ses 70 000 dollars et fut même nommé Pacha de Tanger. Quant aux otages, ils furent libérés, sains et saufs, tandis que Theodore Roosevelt gagna haut la main son second mandat lors des élections. Tout au long de ces péripéties, personne aux Etats-Unis ne savait que Ion Perdicaris n'était pas américain. L'histoire resta secrète pour ne pas affecter l'image du président. Dans ses mémoires, le secrétaire d'Etat américain écrivait : «C'est une mauvaise affaire. On doit absolument le garder top secrète.» Au même moment au Maroc, Moulay Ahmed Raissouni prenait sa place au pouvoir à Tanger, mais ses activités ne se limitèrent pas là. Quelques années plus tard, il récidiva en kidnappant un autre citoyen étranger : Sir Harry, connu comme le «Caid» Maclean, un officier de l'armée britannique qui travaillait comme conseiller des troupes du sultan. Le pacha de Tanger demanda alors une rançon de 20 000 dollars au gouvernement britannique.