Les 17 et 18 juillet derniers, on commémorait en Espagne le 75e anniversaire de la guerre civile espagnole. Ce triste anniversaire était aussi l'occasion de se souvenir des soldats marocains qui ont vécu de près l'une des périodes les plus sanglantes de l'histoire de l'Espagne. Jusqu'à aujourd'hui, le dédommagement de ces anciens combattants reste un sujet non réglé entre l'Espagne et le Maroc. En juillet 1936, les troupes nationalistes du général Francisco Franco se soulèvent contre le gouvernement républicain espagnol. Ce qui devait être un coup d'Etat visant à évincer le gouvernement de gauche, s'est transformé en un cauchemar meurtrier de 3 ans, qui s'achève en avril 1939 par la victoire des Nationalistes. Cet épisode sanglant fait près de 500 000 morts, dont des soldats marocains. Le Maroc dans la guerre Le Maroc, plus précisément la partie du Maroc alors sous protectorat espagnol, a été la base de lancement de l'offensive qui installera Franco à la tête de l'Espagne. En effet, c'est à Melilla, dans la soirée du 17 juillet 1936 qu'a lieu le premier soulèvement des troupes nationalistes. Les évènements embrasent la péninsule dès le lendemain. Le Maroc a également fourni des hommes au conflit. «Leur nombre exact reste difficile à déterminer», nous confie Maria Rosa De Madariaga, historienne espagnole, qui a travaillé sur la participation des soldats marocains à la guerre civile espagnole. Selon ses estimations, entre 80 000 et 90 000 soldats marocains auraient participé au conflit. De leur côté, les autorités marocaines estiment qu'il y avait entre 100 000 et 130 000 soldats marocains sur les fronts espagnols entre 1936-1939. Aucune statistique officielle n'existe à ce jour sur le nombre de combattants marocains ayant participé au conflit. Pour Maria Rosa de Madariaga, le flou tient surtout du fait que nombre d'entre eux ne recevaient pas de fiche au moment de l'enrôlement. En somme, ils combattaient, mais n'avaient pas d'existence officielle. Les soldats marocains de ce conflit, principalement issus des provinces du Rif, appartenaient à deux factions, nous explique encore De Madariaga. Certains étaient issus du bataillon des «Regulares», une unité constituée de soldats marocains, rattachée à l'armée espagnole. Ce corps, formé en 1911, devait éviter à l'armée espagnole de subir des pertes dans ses rangs en cas de conflit au Maroc. Cette pratique étais très répandue chez les puissances coloniales, poursuit l'historienne. En plus de ces «Regulares», il y avait également des soldats enrôlés seulement pour la guerre civile, issus des territoires marocains sous protectorat espagnol dans le nord, et le Sahara. Selon De Madariaga, environ 15 000 de ces soldats seraient morts sur les fronts espagnols. En 2010, on évaluait à environ 2000, le nombre de rescapés, de cette époque, dans les provinces du nord, et dans le Sahara. Réparations… L'autre problème que pose la participation des soldats marocains à la guerre civile espagnole, est la reconnaissance exprimée par les gouvernements espagnols envers ces Marocains morts au combat, les survivants, et leurs familles. Selon De Madariaga, Franco avait entrepris plusieurs mesures pour indemniser ces soldats. Il aurait, selon l'historienne, construit des hôpitaux pour les rescapés, des cimetières pour les décédés. Franco a également entrepris le versement de pensions à ceux qui ont combattus à ses côtés entre 1936 et 1939. Problème, les mesures entreprises par le général Franco en son temps n'ont pas évolué, surtout en ce qui concerne les allocations perçues par les anciens combattants marocains de la guerre civile espagnole. Au temps de Franco, ces pensions étaient convenables, étant donné le niveau de vie. «Aujourd'hui, ces montants sont ridicules», ajoute l'historienne espagnole. L'année dernière déjà, Taieb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères, avait exhorté le gouvernement espagnol à améliorer les conditions matérielles de ces anciens combattants. Des doléances auxquelles aucun gouvernement espagnol, ni de droite, ni de gauche, n'a répondu favorablement à ce jour, concle Maria Rosa de Madariaga.