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Guerre civile d’Espagne
Les Maures oubliés
Publié dans L'observateur du Maroc le 15 - 02 - 2010

Dn pensait la mémoire des Marocains ayant participé à la guerre civile espagnole enterrée à jamais après le «flop» politique de l’enquête sur les disparus de la guerre civile et de la dictature franquiste, commandée par le gouvernement José Luis Zapatero au juge Baltazar Garzon à la mi-septembre 2008. Pour aider les familles à retrouver la trace de leurs proches disparus, et en vertu de la loi sur la mémoire historique votée en 2007, les institutions étatiques et l’Eglise catholique étaient censées rouvrir en effet les archives d’Etat sur les crimes du franquisme, demeurées fermées depuis la loi d’amnistie décrétée en 1977. On croyait aussi, logiquement, que les revendications, juin 2008, du Centre pour la mémoire commune et l’avenir présidé par Abdesslam Boutayeb (initiative entre autres de l’Organisation marocaine des droits de l’homme et du Forum vérité et justice, sous la houlette actuelle de Mustapha Manouzi), pour que ladite investigation s’intéresse également au sort des soldats marocains disparus dans ce conflit ibérique, resteraient lettre morte. Il n’en est rien. S’il est avéré, après le cuisant échec du médiatique magistrat espagnol, que l’Espagne de 2010 n’est pas prête, plus de sept décennies plus tard, à remuer le couteau dans une plaie encore vivace en levant tous les tabous autour de ce sanglant épisode de ses annales contemporaines, il est tout aussi certain que le Maroc d’aujourd’hui est résolu à faire la lumière sur ce même épisode sensible, en vertu de la sauvegarde de son histoire commune avec son voisin européen. Mais aussi pour épurer définitivement l'héritage colonial. Un travail qui ne peut se faire sans la réparation morale et matérielle des blessures et des lèses subis par les victimes «indigènes» de cette guerre étrangère.
Revirement politique
C’est ainsi que deux mastodontes politiques, en l’occurrence le groupe parlementaire de l'Istiqlal et le groupe socialiste, ont décidé de se joindre aux acteurs de la société civile sur cette question, en interrogeant le gouvernement Abbas El Fassi sur les droits des familles des soldats tués ou portés disparus lors de la guerre civile d'Espagne. Une interrogation qui n’est pas restée sans réponse puisque, aussitôt, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Taïeb Fassi Fihri,a indiqué que les autorités marocaines ont récemment exhorté leurs homologues espagnoles à rendre justice aux combattants marocains engagés dans ce conflit et à leurs ayants-droit, en particulier en ce qui concerne l'amélioration de leurs conditions matérielles. «Le Maroc invite l'Espagne à une nouvelle lecture audacieuse de la mémoire commune, dans la sérénité et loin de tout préjugé, selon une démarche scientifique pour éclairer les zones d'ombres de ce pan d'histoire commune», a ainsi déclaré devant le parlement Fassi Fihri. Et si le Royaume réagit à cette question, finalement, au plus haut niveau des sphères décisionnelles, sachant tout ce que la moindre incartade ibérique entraînerait comme conséquences diplomatiques -et partant, économiques- entre les deux voisins et partenaires méditerranéens, ce n’est pas sans raison. La première est qu’aucun des deux Etats ne peut ignorer indéfiniment la réalité historique de la contribution considérable des troupes marocaines à cette guerre. La seconde est que les derniers témoins de ce terrible conflit parmi nos compatriotes se meurent, l’un après l’autre. D’après l'Association marocaine des anciens combattants, ils ne seraient plus que 1.350 survivants dans les régions du nord, et quelque 600 dans les provinces du sud.
La preuve par les chiffres
Combien étaient-ils au départ ? Il n’existe pas de statistiques exactes et concordantes sur le nombre des ces soldats, les estimations marocaines oscillant entre 100.00 et 130.000 appelés, dont près de 9.000 enfants de moins de 12 ans, tandis que des sources espagnoles font état de 80.000 soldats. Quoi qu’il en soit, et d’après les historiens des deux rives, ils n’étaient pas moins de 60.000 «Moros» (Maures, du nom conféré aux Arabes de l’Andalousie islamique et devenu, depuis, le sobriquet donné par certains Espagnols aux Marocains) à s’être fait embrigader au sein des troupes «nationalistes» du général Francesco Franco, après que celui-ci a pris le commandement des troupes stationnées au Maroc dans les zones sous protectorat espagnol, le 17 juillet 1936, dans le dessein de renverser le gouvernement républicain socialiste du Frente Popular, vainqueur des élections du 16 février 1936. Le 5 août 1939, ils embarquent tous avec El Caudillo (référence aux chevaliers catholiques ayant chassé les Maures d’Espagne au Moyen Age) pour la péninsule ibérique en vue du putsch militaire fomenté depuis la terre africaine. Un bataillon de jeunes adultes et d’adolescents dans la force de l’âge, de 15 à 45 ans, choisis pour leur bonne santé et leur docilité, majoritairement originaires des villes et villages du Rif (Tétouan, Melilia, Larache, Al Hoceima, etc) et des Provinces du Sud (Sidi Ifni notamment), et issus de familles pauvres. Si certains parmi eux, les Regulares Indigenas, servaient déjà sous le drapeau des Forces régulières indigènes (créées à l’instar de la Légion pour épargner la vie des militaires ibériques lors des batailles coloniales, comme celles contre les troupes de Abdelkrim El Khattabi dans les années 20), la plupart se sont engagés en effet par pure nécessité économique (les famines étaient monnaie courante à l’époque), quand ils n’ont pas été enrôlés de force par les autorités «protectrices». Beaucoup plus rarement, certains parmi eux ont suivi les sirènes de la «guerre sainte» du Caudillo, les appelant, par la voie des caïds de leurs villages, à l’élimination des «rojos», communistes et autres «impies». Quoi qu’il en soit, robustes et obéissants, réputés aguerris par les batailles coloniales et vendus par la propagande franquiste comme des «cannibales cruels et primitifs» pour mieux effrayer civils et villageois, ces soldats autochtones, souvent envoyés en première ligne, combattent hardiment, pendant près de trois interminables années, auprès des 500.000 nationalistes, soutenus par le clergé catholique et l’organisation fasciste de la Phalange et au-delà des frontières espagnoles, par l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler et l’Italie fasciste de Benito Mussolini.
De l’autre côté, leurs «ennemis», les milliers de combattants «républicains», comprenant pêle-mêle militants du Frente Popular déchu, démocrates, socialistes, anarchistes et volontaires des brigades internationales (issus d’une cinquantaine de pays), appuyés quant à eux par la Russie communiste de Staline. Dans cette guerre civile meurtrière, qui fera 600.000 victimes, un million selon d’autres historiens (145.000 tués, 134.000 fusillés et 630.000 morts de faim et d’épidémies), et s’achèvera par la victoire des nationalistes le 28 mars 1939 et l’instauration de l’autocratie franquiste pendant de près 40 ans (1939-1975), bien du sang marocain coulera, notamment durant les batailles sanglantes de l’Ebre et de Teruel.
Combien ont péri, chair à canon «indigène» d’un conflit étranger fratricide? Certaines sources parlent de 37.000 morts marocains dans le camp des nationalistes et de 1.000 autres du côté des républicains. Rarement enterrés dans les cimetières musulmans mis en place par Franco pour «l’occasion». Le plus souvent corps anonymes ensevelis quelque part dans les fosses communes d’Ibérie, parmi les cadavres des autres soldats morts au combat, les exécutés en zone nationaliste, les fusillés en zone républicaine, les civils abattus durant les raids aériens (le bombardement de la ville de Guernica par l’aviation germanique «Legion Condor» le 26 avril 1937 marquera tragiquement l’Histoire et inspirera la toile la plus célèbre de Pablo Picasso), en sus de tous les opposants victimes d’homicides ciblés commandités par El Caudillo.
C’est dire l’immensité des sacrifices physiques et psychiques consentis par ces jeunes soldats marocains sur l’autel de causes politiques qui n’étaient pas les leurs, à mille lieues de leur quotidien bancal et miséreux de colonisés.
En attendant Godot
Pourtant, et à ce jour, ces anciens combattants marocains continuent à percevoir des pensions dérisoires, au montant largement inférieur à celui en vigueur en Espagne ou en Amérique latine. Légitime dès lors que cette différence patente de traitement soit perçue par les concernés comme une humiliation, une insulte à leur dignité, voire la perpétuation hideuse d’un colonialisme sournois. Et la preuve de leur image négative et injuste de «sympathisants fascistes» auprès des enfants de la Movida. Une génération apolitique qui n’a pas connu Franco, davantage intéressée par son avenir et sa survie dans une Espagne en grave récession économique, que par un passé flou et lointain ou l’identité et la nationalité des dépouilles de ses charniers morbides. Mais ceci étant, le travail de mémoire, de réconciliation et de réparation autour de la guerre civile espagnole et de l’implication des Marocains dans ce conflit doit se faire. Ne serait-ce que pour enrayer cette perception dénigrante du «Moro» dans la mémoire collective des Espagnols. Et asseoir les bases d’une relation bilatérale future saine, définitivement débarrassée des fantômes et des rancœurs du passé.


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