«Bien entendu, il y aura toujours ces régions du monde où des frustrations sexuelles, des représentations misogynes continueront à pousser le mâle à faire mal… Quand chez nous, des constructions sociales continueront à conforter le fils d'Adam qu'Ève n'est rien d'autre qu'une de ses côtes…» Monsieur Finkielkraut, Nous ne nous connaissons pas, ou si peu… Moi je ne sais de vous que les quelques lignes que j'ai lues récemment dans la presse. Vous y évoquiez le fait que «la libération de la parole» des femmes n'est qu'un «complot» pour noyer «le poisson islam». Je sais, l'auteur éphémère que je suis ne devrait pas se permettre d'écrire à l'académicien Eternel que vous êtes… ...mais les voies du web sont impénétrables et Facebook permet des «façons» que le protocole ignore… Cette lettre ne vous arrivera peut-être donc jamais, mais nous savons, vous et moi, que ce qui compte ce n'est pas la destination, c'est le chemin… Laissez-moi donc l'emprunter virtuellement avec vous, le temps de quelques clics… Vous pensez donc que si des femmes «balancent des porcs», cela leur est dicté par l'Islam alors qu'en face d'autres pensent que si des «verrats sont balancés» c'est le résultat d'un complot sioniste mondial… Des cochons balancés à l'initiative de musulmans et de juifs, c'est un régime alimentaire qui se tient, finalement… Vous utilisez ainsi le même procédé que ceux que vous exécrez et qui vous haïssent… Vous pensez que si une femme est harcelée, violentée, cela ne peut être qu'à cause de l'immigré, du réfugié, du musulman et de sa culture archaïque quand d'autres décrètent que si une femme est violée, frappée, c'est parce que non musulmane et donc, par essence, impudique… L'enfer est ainsi, toujours, chez les autres… Et si cette violence à l'égard des femmes était due à tout à fait autre chose ? Et si tout simplement, l'homme avait décrété que quoi qu'il arrive, le masculin l'emporte… Et si changer l'accord des mots pouvait nous permettre de réduire la force des maux ? Et si l'on apprenait l'égalité grâce à des règles de grammaire ? Et si les petites filles et les petits garçons apprenaient très tôt que les mots existent dans les deux genres et qu'aucun des genres ne gagne de victoire sur l'autre ? Le masculin arrêterait ainsi de l'emporter par écrit avant de ne plus le faire dans la vie... Et si on en profitait, par la même occasion, pour expliquer aux jeunes hommes que non, c'est non, que le corps d'une femme n'appartient qu'à elle et qu'elle en fait ce qu'elle veut, quand elle veut ? Qu'obtenir ce qu'on veut par la force ou le pouvoir, ce n'est pas obtenir mais cambrioler… Bien entendu, ce ne serait pas suffisant, c'est évident… Bien entendu, il y aura toujours ces régions du monde où des frustrations sexuelles, des représentations misogynes continueront à pousser le mâle à faire mal… …quand chez nous, des constructions sociales continueront à conforter le fils d'Adam qu'Ève n'est rien d'autre qu'une de ses côtes… Mais je ne suis qu'un éphémère, je vous le rappelle, et je n'ai aucune autre arme que les mots… J'ai appris, un jour, quelque part au milieu de ma culture d'origine, vous savez, celle que vous honnissez, qui vous fait tellement peur… …j'y ai donc lu un jour : «Si tu ne peux pas changer le monde, commence par te changer toi-même.» Je vais donc essayer en changeant les mots, en les rendant plus égalitaires et en ne permettant à aucun d'avoir le moindre pouvoir coercitif sur l'autre… L'éternel que vous êtes peut le faire à plus grande échelle, s'il n'était trop occupé à compter les poils de barbe et les têtes enveloppées de bout de tissu... Je vous laisse donc à vos ennemis… ….c'est fou comme, finalement, vous leur ressemblez… D'un fils d'immigré à l'autre… Salutations distinguées mais surtout virtuelles…