Plusieurs chercheurs du CJB déplorent un harcèlement et des propos racistes et néocolonialistes émanant de sa directrice, Sabrina Mervin, particulièrement à l'égard des collaborateurs marocains. Cette dernière nie en bloc et dénonce une «campagne de dénigrement». Le Centre Jacques Berque (CJB) pollué par des relents racistes et colonialistes, couplés à du harcèlement ? C'est en tout cas ce que dénonce une pétition mise en ligne vendredi sur le site Change.org par un Collectif de jeunes chercheurs, adressée aussi bien aux autorités marocaines que françaises, notamment à Emmanuel Macron. Dans un long texte, ce Collectif, dont les auteurs ne sont pas identifiés, fustige notamment Sabrina Mervin, directrice du Centre. Il l'accuse de «[faire] régner un climat de terreur en toute impunité, notamment quand il s'agit du personnel non français du Centre». Le Collectif déplore «un climat délétère» : «Elle a éloigné des doctorants et des chercheurs, souvent avec des relents de néocolonialisme et de racisme. Elle a humilié des pontes de la recherche au Maroc. Des projets de recherche ont ainsi été freinés, de jeunes chercheurs marocains découragés et dissuadés de venir travailler au Centre et des partenaires universitaires méprisés.» Il est également question de «harcèlement continu d'une rare violence» que Mme Mervin aurait exercé «sur le personnel marocain». D'après la pétition, quatre personnes sur les six qui composent l'effectif total du Centre «sont passées par les services d'urgence et de réanimation de Rabat». «Paranoïaque» «Il y a deux poids, deux mesures. Vis-à-vis des Marocains, elle a un comportement insoutenable. Elle est très sélective. Si un étudiant ne parle pas bien français ou s'il ne lui plaît pas, il est immédiatement recalé. La plupart des étudiants qu'on accueille sont Français. Je n'ai jamais vu un tel comportement. J'ai travaillé en France et n'ai jamais vraiment souffert de racisme. Il a fallu que je rentre dans mon pays pour en souffrir», témoigne à Yabiladi une chercheuse. Celle-ci dépeint une directrice «paranoïaque» : «Elle nous épiait. Les rares fois où on discutait entre nous dans le couloir, elle sortait de son bureau pour écouter ce qu'on disait.» A l'instar des auteurs de la pétition, la chercheuse évoque notamment l'informaticien du Centre. «L'informaticien, soumis lui aussi à une pression et à un harcèlement soutenus, est sous contrôle médical pour des problèmes cardiaques en rapport avec le stress au travail», lit-on dans le texte. La chercheuse confirme : «Depuis qu'elle est là, il prend une dizaine de cachets contre le stress pour ne pas rechuter. Elle a également menacé le comptable de licenciement à plusieurs reprises cette année.» Quant au chauffeur de Sabrina Mervin, «soumis à des brimades et des humiliations dignes d'un autre âge, victime courant août 2017 d'un accident cérébral irréversible», selon la pétition, la chercheuse corrobore là encore : «C'était pire que nous tous. Il a affaire à elle tous les jours. Du matin au soir, il subit ses humeurs. Quant il l'a dépose, elle lui claque la porte au nez au lieu de le remercier. Quand il a une minute de retard, il passe une sale journée. Elle l'a menacé plusieurs fois de le renvoyer à cause de la prière du vendredi. C'était son souffre-douleur.» Pis encore, le chauffeur serait même contraint de faire des heures supplémentaires dans un cadre extra-professionnel : «Il lui fait ses courses à Marjane… Quant elle oublie de le prévenir pour aller à l'aéroport, elle l'appelle à trois, quatre, cinq heures du matin…» Pour la chercheuse, Mme Mervin «abuse de la protection de l'ambassade. Elle se croit intouchable». Des propos véridiques «mais maladroits» Deux autres chercheurs du Centre Jacques Berque abondent dans le même sens, soulignant les commentaires de Mme Mervin sur la maîtrise de la langue, le «harcèlement sérieux» exercé par cette dernière et les «séquelles physiques» de certains chercheurs dus aux stress. «Le staff administratif a essayé de déposer des procédures auprès de la coopération culturelle à l'ambassade de France pour se plaindre du harcèlement exercé par Mme Servin», disent-ils. Le Centre Jacques Berque, qui figure parmi les 27 Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE), est en effet sous co-tutelle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, représenté localement par le Service de coopération et d'action culturelle (SCAC) de l'ambassade de France au Maroc. Ceci dit, tous deux annoncent qu'une autre pétition sera bientôt lancée : «Même si je suis d'accord avec une grande partie de la démarche - je confirme ce qui a été écrit -, la pétition a été rédigée par un journaliste qu'on ne connaît pas vraiment», dit l'un. «Grosso modo, ce qui a été écrit dans la pétition est vrai mais mal argumenté. On est en train de rédiger un texte avec d'autres chercheurs. Il y aura une pétition un peu plus sérieuse qui sortira en début de semaine», complète son collègue. Contactée par Yabiladi, Sabrina Mervin dément toutes ces accusations et dit ne pas être au courant de la pétition qui circule. «Je n'ai eu connaissance de rien. Avant de me dire cela, prenez des informations solides, et pas des rumeurs. Je ne vous dirai rien. S'il y a une campagne de diffamation, j'y répondrai comme à une campagne de diffamation. Je ne sais pas de quoi vous parlez», a lâché, laconique, la directrice du Centre Jacques Berque. Dans un pouffement, Sabrina Mervin a qualifié de «diffamation» les accusations de racisme teinté de néocolonialisme, tel que le dénoncent plusieurs chercheurs. «C'est innommable. Je n'ai même pas à répondre à ce genre de choses», a-t-elle conclu. Dans un bref texte publié sur la page Facebook du CJB, la directrice a aussi dénoncé une «campagne de dénigrement à [son] encontre» : «Je réfute l'ensemble des faits allégués dans la pétition. Les accusations de racisme, de colonialisme et de révisionnisme proférées contre moi sont aberrantes et relèvent de la diffamation», a-t-elle ajouté. «Le Centre Jacques Berque traverse effectivement une crise due à des problèmes sérieux au sein de l'équipe administrative dont le règlement est en cours, en interne, selon les procédures adéquates.»