Face au «Hirak» du Rif, les islamistes marocains ne jouent pas la même partition. Une divergence qui n'est pas sans rappeler celle face aux marches du Mouvement du 20 février en 2011. Le mouvement de contestation à Al Hoceima divise les islamistes marocains. Chaque entité adopte une position que dicte essentiellement sa proximité ou son éloignement du pouvoir. C'est effectivement ce paramètre qui explique le soutien sans concession d'Al Adl wal Ihssane au «Hirak». La Jamâa est montée au créneau pour dénoncer l'instrumentalisation des mosquées à fins politiques. Un appui direct à l'intervention, vendredi 26 mai, de Nasser Zefzafi dans une mosquée pour condamner le prêche de l'imam. AWI a repris sur son site web toutes les revendications des marches de protestation qu'a connues la province, notamment l'abrogation du Dahir royal de 1958 déclarant Al Hoceima une zone militaire. Et suite aux interpellations des membres du «Hirak», l'association a vivement dénoncé les arrestations et appelle à libérer tous les détenus sans conditions. Cette forme de solidarité s'est traduite par un suivi minutieux par les médias d'Al Adl wal Ihssane des formes de protestation dans le Rif auxquelles prennent part des membres de la Jamâa. Ainsi, les Adlistes ont descendu en force lors des marches qui ont sillonné les rues de Laaroui et Nador, respectivement samedi et dimanche derniers. La province de Nador est l'autre point où AWI est très actif. Salafistes officiels contre la «Fitna» Malgré le discours islamiste de Nasser Zefzafi, les figures du salafisme toléré par l'Etat marocain se sont opposés à bénir le mouvement de protestation. Avant même que les partis de la majorité gouvernementale n'accuse les meneurs du «Hirak» d'être téléguidés de l'étranger, Mohamed El Fizazi avait soulevé cette hypothèse. Début février, l'imam de la mosquée Tarik Ben Zyad à Tanger n'a pas hésité à accuser les renseignements algériens et les trafiquants de drogue d'être derrière le «Hirak». Et la semaine dernière, la tension est montée d'un cran entre El Fizazi et Zefzafi avec au passage l'échange de critiques virulentes. Mohamed Maghraoui, l'autre figure du salafisme au royaume a choisi une autre voie pour exprimer son hostilité à la «Mobilisation». Ses fidèles ont réussi à disperser, le 30 mai à Marrakech, par une contremanifestation, une marche de solidarité avec le «Hirak». Pour mémoire, Magharoui était opposé aux protestations du Mouvement du 20 février de 2011. Le Mouvement unicité et réforme n'arrive pas à se prononcer Le MUR est, quant à lui, dans une position délicate, se contentant d'observe le contexte tendu qui prévaut à Al Hoceima. La matrice du PJD est en effet tiraillée entre ses obligations religieuses et les calculs politiques du parti de la Lampe. Un silence brisé par la section du MUR à Fès qui a invité ses membres à ne pas prendre part aux marches de solidarité avec le «Hirak». Un appel qui a eu l'effet d'une bombe au sein du bras idéologique du PJD, contraignant le président Abderrahim Chihki à sortir de sa réserve. Il a expliqué que le MUR appuie les contestations portant des revendications «légitimes que soit au Rif ou ailleurs». Et de préciser que le Mouvement «laisse le champ libre à tous ses membres d'exprimer et de manifester dans toutes les formes de protestations qui soient conformes à la Loi». Une position qu'il a, d'ailleurs, réitérée dans des déclarations parues dans l'édition de ce jeudi du quotidien Akhbar Alyaoum. Chikhi a précisé que le MUR veille à ce que «les protestations s'effectuent dans le respect de la stabilité».