Un champion du monde qui célèbre son titre… en prison. C'est le cas de Sidi Zakaria Moumni. En 1999, à 19 ans, il devient le «premier Marocain et premier Africain» à remporter le titre de champion du monde de «Light Contact». Mais, en janvier dernier, il se voit envoyé en prison par la justice marocaine pour «escroquerie». Selon Human Rights Watch, Zakaria a été plutôt condamné pour son insistance à accéder aux privilèges auxquels tout champion du monde marocain a droit. L'ONG réclame à ce qu'il soit rejugé, à défaut d'être libéré. «Zakaria Moumni semble avoir été emprisonné à cause de sa campagne rendue publique et de ses remarques critiques à l'égard de proches du Palais, à l'issue de procès qui n'ont pas respecté les normes internationales en matière de jugement équitable», déclare Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. Le champion du monde de «Light Contact» (boxe) a été condamné par la Cour d'appel de Rabat à deux ans demi de prison pour escroquerie. Un champion escroc ? Sidi Zakaria Moumni, maintenant âgé de 31 ans, a été jugé coupable d'avoir empoché l'argent de deux individus (14 000 dirhams chacun) à qui il aurait promis de trouver du travail en Europe, avant de les rouler dans la farine. Mais pour Human Rights Watch, ces accusations n'ont été qu'un prétexte pour faire taire le sportif, qui insistait à entrer dans ses droits, après avoir offert à son pays le titre de champion du monde de «Light Contact». HRW se dit convaincu que ce «cas est emblématique d'un système judiciaire incapable de garantir des procès équitables dans des affaires politiquement sensibles». Le cas de Zakaria n'est pas «politiquement sensible», mais était devenu très embarrassant. En effet, un dahir (décret royal, n°1194-66 du 9 mars 1967) et de son décret d'application ultérieur prévoient un traitement de faveur aux sportifs marocains champions du monde dans leurs disciplines. Et Zakaria en est un. En 1999, il a remporté à Malte le titre de Champion du monde de light contact dans la catégorie des moins de 68 kg. Il réclamait donc de bénéficier des privilèges auxquels il a droit. Mais voilà qu'on ne pouvait pas lui fournir le poste dont il rêvait au ministère des sports. Plein de jus, le boxeur décida de taper à toutes les portes pour être entendu. Mêmes à celles du Palais royal. Les années passaient sans que les promesses ne se réalisent. Agacement, emprisonnement Convaincu que le seul qui puisse lui tirer d'affaire est le roi en personne, Zakaria qui vivait avec son épouse française près de Paris, n'hésitait pas à aller squatter les grilles des résidences du souverain en France, à chaque déplacement de celui dans l'Hexagone. Malgré une certaine couverture médiatique et le soutien de Bakchich.info, qui a notamment fait un portrait vidéo du boxeur (voir ci-dessous), ses efforts sont restés sans grand succès. Au finish, ses assauts répétés ont fini d'agacer et de déclencher «des poursuites pénales de la part du gouvernement», rapporte HRW, qui cite le boxeur. Un boxeur sous les verrous depuis le 27 septembre 2010, date à laquelle il fut intercepté dès qu'il posa pied à l'aéroport de Rabat-Salé, en provenance de Paris. Il avoue avoir été victime de tortures, et obligé de signer un document dans lequel il est accusé d'avoir été coupable d'escroquerie en empochant l'argent de deux individus qu'il avoue n'avoir jamais connus. HRW appelle les autorités marocaines à le rejuger, ou tout simplement le libérer. Portrait de Zakaria Moumni, par Bakchich.info