L'affaire Zakaria Moumni a fait l'objet d'une conférence de presse, mardi soir à Rabat, à l'initiative de son comité de soutien qui dénonce un « faux procès ». «Il a porté le drapeau du Maroc fièrement ; il offert sa médaille de champion du monde au roi Mohammed VI. Alors, pourquoi est-il en prison ? Qu'est-ce qu'il a fait ?». Les larmes aux yeux, Taline Moumni exprime, la gorge nouée, sa douleur et son incompréhension sur ce drame qui l'a séparée de son époux Zakaria Moumni. Champion du monde de Light Contact, ce jeune sportif marocain résidant en France purge actuellement une peine de prison de trois ans au pénitencier de Romani, suite à un procès «loin d'être équitable », à en croire son comité de soutien « Libérez Zakaria Moumni ». « Un complot judiciaire » Le comité de soutien a tenu, mardi soir à Rabat, une conférence afin d'éclairer l'opinion publique sur ce cauchemar que vivent Zakaria Moumni et sa famille. « Mon mari, je n'ai réussi à lui rendre visite qu'hier (lundi 6 juin), après huit mois passés en prison. Il est innocent, sa place n'est pas derrière les barreaux, mais sur les rings », clame son épouse. Zakaria a été reconnu coupable d'une escroquerie que son avocat Abderrahim Jamai n'hésite pas à qualifier de « complot judiciaire » rappelant que les conditions même de l'interpellation de son client en donnent la preuve éloquente. En effet, d'après le récit de son comité de soutien, Zakaria Moumni a été enlevé à son retour au Maroc le 27 septembre 2010 à l'aéroport de Rabat-Salé. Il aurait été, ensuite, conduit, les yeux bandés, au centre de Témara où il aurait été torturé avant un procès expéditif tenu le 30 septembre sans avocat ni témoins et dans une salle d'audience quasi vide. « Le juge l'a reconnu coupable d'une escroquerie contre deux hommes : l'un à Errachidia, l'autre à Salé. Ces deux plaignants auraient donné à mon client 14 000dirhams, mais ils ne se sont jamais présentés ni même leur avocat que j'ai essayé de contacter à maintes reprises, en vain », explique Me Abderrahim Jamai. Et de préciser que le parquet lui a mis les bâtons dans les roues l'empêchant même de voir son client durant ses 48 heures de garde à vue. « Le procès s'est ouvert un vendredi et dès le lundi suivant, le verdict avait été prononcé sans que je puisse défendre mon client », s'indigne l'avocat insistant sur le fait que tout le dossier de l'instruction ne contient aucun indice de culpabilité de son client: « Même les convocations qui devaient être remises aux plaignants n'y étaient pas !». « Il est clair que Zakaria n'a pas fait l'objet d'un procès juste. Il a même été empêché d'alerter sa famille qui était présente à l'aéroport pour l'accueillir ». Brahim Elansari, représentante de HRW. Après révision du procès en appel, la peine de prison a été réduite de six mois pour se transformer en deux ans et demi. Une autre décision qui laisse perplexe Me Abderrahim Jamai : « Les plaignants sont toujours restés anonymes, ils ne se sont même pas constitués partie civile pour qu'on leur rende au moins leur argent que mon client leur aurait escroqué », s'insurge cet avocat pour qui Zakaria est ni plus ni moins qu'une victime. Les raisons de l'emprisonnement de Zakaria remontent à 1999, année où il décroche à Malte, son titre de champion du monde. Suite à cette victoire, le champion marocain souhaite accéder au poste de conseiller sportif au sein de la Fédération marocaine conformément au décret du 9 mars 1967 (Dahir n° 1194-66). Mais sa demande n'a pas connu de suite. « Zakaria a révélé aux médias français et à la chaîne Al Jazeera sa mésaventure qui l'a poussé à se rendre à la résidence royale du château de Betz en France, en vue de rencontrer le souverain. Après son enlèvement et son interpellation au Maroc, il a subi un interrogatoire sur ses sorties médiatiques à l'étranger et au Maroc mais pas sur cette fausse escroquerie », précise la présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Khadija Ryadi. Et d'ajouter que plusieurs lettres appelant à la libération de Zakaria Moumni ont été adressées par le comité de soutien à différentes instances du gouvernement sans succès. Human rights watch (HRW) a également adressé une lettre au gouvernement pour alerter ce dernier sur les violations commises à l'encontre de ce sportif marocain. « Nous avons reçu une réponse qui reprend textuellement les propos du Parquet. Pourtant, il est clair que Zakaria n'a pas fait l'objet d'un procès juste. Dès son arrestation, il a même été empêché d'alerter sa famille qui était présente à l'aéroport pour l'accueillir », indique Brahim Elansari, représentant de HRW. Pour le comité de soutien (constitué d'une douzaine de membres), Zakaria paie de sa liberté ce que certains pourraient considérer comme « un excès de zèle ». « Non ! Mon mari n'a pas eu un excès de zèle, il a juste voulu dire la vérité au roi du Maroc qu'il aime et défend sur le ring. Zakaria a demandé audience au roi, il a voulu le prévenir que plusieurs intermédiaires n'exécutaient pas ses ordres », répond Taline Moumni. Affaire à suivre… Leïla Hallaoui