La France devient-elle de plus en plus islamophobe ? Une étude de l'institut Montaigne apporte des éléments de réponse à cette interrogation. Ce dernier vient de publier une étude chiffrée sur la discrimination à l'embauche qui révèle que les musulmans sont fortement discriminés sur la base de leur pratique religieuse en mettant de côté leurs compétences. Etre musulman semble faire envoyer beaucoup de CV dans les corbeilles des recruteurs français. Une étude de l'institut Montaigne rendue publique ce jeudi démontre qu'en France, les musulmans «sont beaucoup plus discriminés» par rapport aux catholiques que ne le sont les «Afro-Américains» par rapport aux «Blancs» aux Etats-Unis. Pour mener cette étude l'institut Montaigne a crée 6 profils identiques âgés de 25 ans. Michel et Nathalie sont catholiques, Esther et Dov sont juifs, Mohamed et Samira sont eux musulmans. Tous viennent du Liban et ont été naturalisés français. Ils ont tous décroché un BTS en comptabilité. Mais lorsque les CV de nos candidats fictifs ont été envoyés entre septembre 2013 et septembre 2014 à 6 231 vraies offres d'emploi de comptables, d'assistants et secrétaires comptables, leur taux de convocation a révélé des résultats étonnants. Ces derniers révèlent que Mohamed et Samira sont 2 fois plus discriminés que leurs vis-à-vis catholiques ou juifs. En effet, le taux des catholiques convoqués à un entretien s'élève à 20,8% contre 10,4% pour les musulmans. L'écart se creuse si on ne prend en compte que les hommes. Les hommes musulmans ont 4,7% de chance d'être convoqués contre 17,9% pour les catholiques, soit le quatre fois plus. Pourtant sur les CV identiques, 3 éléments seulement indiquent leur appartenance religieuse : leur nom, leur passage dans une école confessionnelle et leur bénévolat dans une association de scout de leur communauté. «Des enquêtes montrent que les Français associent spontanément l'islam à l'extrémisme religieux et à l'oppression de la femmes. Ces deux stéréotypes vont alimenter une discrimination très forte, en particulier à l'égard des hommes musulmans. Le recruteur les perçoit comme un risque accru de pratique religieuse transgressive sur le lieu de travail et les associe à un risque d'insubordination» tente d'expliquer l'économiste Marie-Anne Valfort, auteur de l'étude qui reconnait qu'en France l'islam est perçu selon «une image dégradée». Une discrimination qui n'épargne pas les profils d'exception Seulement en modifiant cette perception, les chances des musulmans peuvent s'améliorer. Ainsi Anne-Marie Valfort a mentionné un profil laïc sur les CV en y insérant un engagement dans une association de scoutisme laïque. D'autre part, elle a crée des profils pratiquants. La comparaison montre que les musulmans doublent leur chance d'être convoqués à un entretien s'ils sont perçus comme laïcs. La discrimination révélée se poursuit jusque dans les profils d'excellence. La chercheuse a ajouté dans le lot des CV de candidatures supérieures en diplôme en gardant bien sûr l'appartenance religieuse. L'étude révèle que cette discrimination disparait chez les femmes si elles ont un niveau supérieur de diplôme aussi bien pour les musulmanes que pour les juives. Chez les hommes, la musique est tout autre. «La discrimination à l'égard des candidats masculins juifs et musulmans s'intensifie », révèle l'étude. Selon cette dernière, les catholiques avec un niveau supérieur de diplôme ont 5 fois plus de chance de décrocher un entretien que les musulmans. Cette proportion se réduit quand il s'agit des juifs. Les catholiques n'ont que 1,5 fois de chance que leurs candidats juifs ayant le même diplôme supérieur. Cette étude relance le débat déjà houleux sur le CV anonyme que le gouvernement français avait laissé tombé lui préférant des mesurettes. L'une d'entre elles permettra aux personnes victimes de discrimination de saisir la justice. Mais est-ce suffisant quand on sait qu'avec les préjugés sur l'arrivée des réfugiés syriens qui divise la classe politique française, les amalgames et la libération de la parole raciste consécutive aux attentats contre Charlie Hebdo, l'incompréhension des pratiques religieuses en entreprise, la question du voile, la polémique sur la supposée «race blanche» de Nadine Morano prouvent, si besoin est, que se développe de plus en plus en France un racisme anti-musulman ?