L'actualité n'est pas reluisante. Un gouvernement néerlandais soumis à un politicien accusé de l'incitation à la haine raciale, en France, une loi sur l'immigration adoptée qui criminalise un peu plus les personnes voulant venir dans l'Hexagone et qui, en même temps, a rendu envisageable l'abolition de la double nationalité... Mais c'est à l'Allemagne que revient la palme du pays le plus touché par la fièvre discriminatoire la semaine dernière. Pour commencer, une déclaration de Horst Seehofer, président de la Bavière et de l'Union chrétien-sociale (CSU), parti conservateur allemand. Ayant vu le succès des thèses de Thilo Sarrazin, il affirmait le 9 octobre devant la presse qu'on ne devrait plus accepter d'immigrés «d'autres cercles culturels» en Allemagne, sous entendu : plus de Turques, Arabes, musulmans. Raison évoquée : ils auraient plus de mal à s'adapter à la société allemande et certains refuseraient de s'intégrer. Comme l'indique l'hebdomadaire Die Zeit, une tentative de reprendre en main les débats de comptoirs de café, monopolisés jusque-là par Thilo Sarrazin. Reportage Euronews sur les déclarations de Seehofer Mais l'actualité de la semaine dernière a également offert une petite lueur d'espoir apparu à l'horizon, quand l'université d'Osnabrück annonçait qu'un programme de formation d'imams allait voir le jour au semestre d'automne. Une réponse au besoin des musulmans d'Allemagne d'être pris en compte dans le paysage universitaire allemand. 60% des Allemands refuseraient aux musulmans de pratiquer leur religion Pourtant, tout l'optimisme naissant à rapidement été mis à mal mercredi dernier. Une étude de la fondation Friedrich Ebert a été présentée, portant sur la prévalence de pensées d'extrême en Allemagne. Il s'agit plus précisément d'une série d'études que la fondation, à cheval entre analyse scientifique et travail politique, mène depuis 2006 à échelons réguliers. Leur objet : analyser le «centre» de la société allemande pour connaître son évolution, ses préoccupations, savoir s'il est toujours pertinent de parler d'un centre associé à une sorte de modération dans les opinions politiques. La dernière étude en date, rendue publique mercredi 13 octobre à Berlin (lien vers l'étude, en allemand), affirme directement que «le centre est en crise». Les résultats des sondages effectués sur plus de 2400 personnes entre 14 et 90 ans sont divers, mais une tendance claire s'observe. Les opinions d'extrême droite ont trouvé leur entrée au centre de la société. Ainsi, environ 10 % des Allemands souhaiteraient qu'un «Fuehrer» vienne régir le pays, attitude profondément anti-démocratique. Plus d'un tiers de la population allemande renverrait les étrangers dans leurs pays d'origine. Et, résultat le plus alarmant, près de 60% des Allemands interdiraient, s'ils le pouvaient, aux musulmans de pratiquer leur religion. Comme le souligne l'étude, cette islamophobie touche même les personnes qui se disent critique envers toute forme de xénophobie. Les auteurs de l'étude interprètent cela comme une évolution importante du racisme en Allemagne. Ce n'est plus tant un classement de «races» par caractéristiques génétiques qui est au premier plan. Des différences culturelles et religieuses prennent cette place dans un «racisme moderne». Un racisme qui est plus prévalent dans les classes moyennes que dans les basses couches de la société, révèle l'étude. Pour finir en beauté : Merkel annonce la fin du multiculturalisme à l'allemande – 6 ans plus tard... Sarrazin qui inspire Seehofer, une étude qui, d'une certaine manière, démontre le potentiel électoral de positions d'extrême droite : il ne manquait plus que la chancelière pour entrer dans le bal. Ce qu'elle ne s'est pas privée de faire, lors de la «journée de l'Allemagne» organisée par la jeunesse du parti d'Angela Merkel à Potsdam samedi 16 octobre. Mais pour elle qui ne s'aventure pas dans les extrêmes, pas évident de trouver une formule pour faire vibrer la fibre xénophobe de son électorat sans trop choquer. Finalement, le bon vieux «Multi-Kulti» a dû faire l'affaire. Selon elle, le modèle socio-démocrate d'une Allemagne multiculturelle, où cohabiteraient harmonieusement différentes cultures, aurait «totalement échoué». Il faut formuler plus d'exigences envers les étrangers qui viennent s'installer en Allemagne. Seul hic dans l'affaire : personne ne parle plus de Multi-Kulti. Le principe d'encourager l'intégration tout en exigeant des efforts supplémentaires («fördern und fordern») a été posée par l'ancien chancelier Schröder en 2004 et renforcé du temps de la grande coalition et des sommets sur l'intégration. Merkel a donc au moins 6 ans de retard... Briser un principe alors que personne ne le revendique, briser un tabou alors qu'il n'existe pas – un moyen beaucoup utilisé dans les débats sur l'immigration aujourd'hui.