A l'approche de la Journée mondiale contre la peine de mort, le débat sur cette pratique refait surface au Maroc. Certes, aucune exécution n'a eu lieu depuis 1993, mais la peine capitale est toujours une réalité au Maroc. Le Royaume enverrait un signe fort en devenant la première nation arabo-musulmane à abolir la peine de mort. L'Union européenne (UE) a d'ailleurs appelé à des efforts dans ce sens… Pour l'ambassadeur de l'Union européenne au Maroc, la peine de mort «représente un traitement cruel et inhumain (…) La peine de mort n'apporte pas de valeur ajoutée en termes de dissuasion au crime. Pour l'Union européenne son élimination est fondamentale pour rehausser la dignité humaine et pour le développement progressif des droits humains». Abolie dans les faits... Par ailleurs, dans un communiqué, «l'Union européenne se réjouit du fait que le Royaume du Maroc applique de facto un moratoire sur la peine capitale depuis 1993 et qu'un débat se soit ouvert sur ce thème. Elle espère que le Gouvernement du Maroc passe à l'étape suivante et abolisse la peine capitale(…)». L'abolition à long terme de la peine capitale dans les pays où elle est toujours appliquée, avait auparavant, motivé la formation d'une Commission internationale par le Premier ministre espagnol. Le 7 octobre dernier, José Luis Rodriguez Zapatero déclarait d'ailleurs que «l'humanité sera plus digne et les êtres humains plus libres» dans un monde sans peine de mort, selon le quotidien français Les Echos. La Commission dont il est à l'origine, vise un moratoire pour 2015, dans les pays où la loi autorise encore les exécutions. Les voisins européens entendent donc que le Royaume poursuive sur la lancée des efforts entrepris depuis près de 20 ans. Le commissaire Mustapha Tabit en 1993 est en effet la dernière personne sur qui a été appliquée la peine de mort au Maroc. ... mais pas dans les textes Pour autant, le Maroc n'a pas officiellement aboli la peine capitale. Une enquête de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme sur la situation de la peine capitale au Maroc révèle ainsi que «36 articles du Code pénal marocain prévoient la peine de mort». Même si dans la pratique la peine de mort est suspendue, elle continue à être prononcée dans les jugements. Notons que la suspension dans les faits n'est pas le seul effort entrepris. En l'absence d'une abolition par les textes, le Maroc a réalisé de nombreuses actions visant à empêcher de sanctionner par la mort. Ainsi, le roi Mohamed VI qui n'a signé aucun acte d'exécution depuis son accession au trône, a gracié de nombreux pensionnaires du couloir de la mort. Ils ont ainsi vu leurs peines muées en emprisonnements à vie pour les crimes qu'ils avaient commis. De plus, plusieurs associations de défenses de droits de l'Homme se sont manifestées ces dernières années, pour demander l'abolition officielle de la peine capitale. Malgré une volonté apparente de l'Etat d'aller dans ce sens, si les choses donnent l'impression de ne pas avancer significativement, c'est parce que la peine de mort a aussi ses partisans au Maroc, notamment parmi les élus du Parti de la justice et du développement (PJD), qui prône que la peine de mort soit conservée pour les crimes graves, comme le terrorisme. C'est du moins ce qui ce ressort des déclarations faites en 2008 par Mustapha Ramid à Jeune Afrique (JA). La raison d'une stagnation dans le débat serait le fait que «pour beaucoup, l'abolition n'est que l'importation d'idées occidentales», expliquait à Jeune Afrique Me Abdesslam Alami, du barreau de Rabat. Or en adoptant une position ferme et officielle contre la peine de mort, le Maroc donnerait un signe fort à ses voisins. Le Royaume pourrait rentrer dans l'histoire comme le 100e pays à avoir officiellement aboli la peine capitale. Mieux encore, il serait la première nation arabe à adopter une telle position. Le Maroc pourraît ainsi entrainer dans son sillage certains de ses voisins qui sont sur la même voie, notamment la Mauritanie, la Tunisie, ou encore l'Algérie. Par ailleurs, le Maroc en profiterait pour se démarquer des «îlots de résistance» à l'abolition générale, évoqués par Zapatero. Notons aussi qu'abolir la peine de mort dès à présent placerait donc le Maroc parmi les «bons élèves» en matières de droits humains.