Même si des rapports d'ONG internationales, du parlement européen, de la Douma russe et de témoignages d'anciens détenus de Guantanamo pointent, tous, du doigt l'implication du Maroc dans le programme de torture de la CIA, des documents révélés de l'agence américaine ne mentionne pas le royaume. Surprise. Les documents de la CIA déclassifiés par une commission du renseignement au sénat américain ne mentionnent pas le Maroc, comme habritant une prison secrète pour les détenus d'Al Qaida. Il ne s'agit pour le moment que de 528 pages, selon le Washington Post, qui viennent d'être libérées. Elles révèlent les méthodes d'interrogatoires menés par les agents des renseignements essentiellement dans la base de Guantanamo, en Afghanistan, en Roumanie, en Thaïlande, en Lituanie et en Pologne. Une absence qui suscite des interrogations L'absence du Maroc sur la liste des prisons secrètes de la CIA interpelle. Et pour cause, des détenus libérés de Guantanamo, ont déclaré avoir subi des séances de tortures au sein d'un centre secret du royaume. C'est le cas notamment de l'Ethiopien, résident en Angleterre, Mohamed Binyam. De son côté, le Washington Post avait révélé que le Yéménite Ramzi Ben Shiba et le Koweïtien Khalid Cheikh Mohamed, deux lieutenants de Oussama Ben Laden, auraient également été torturés au Maroc. Un autre cas, moins connu médiatiquement, est celui de Abou Elkassim Britel, un Italien d'origine marocaine. Arrêté au Pakistan en 2002, il est livré aux services secrets américains avant d'être transféré au Maroc. Accusé d'appartenance djihadiste, il a passé neuf ans en prison. Une absence qui suscite des interrogations alors qu'en janvier 2014, le quotidien américain annonçait que la CIA aurait offert aux autorités de Rabat vingt millions de dollars pour la construction d'une prison secrète, jamais utilisée. Quid des autres pages non déclassifiées ? Un rapport du parlement européen, publié en 2012, sur l'implication de pays de l'UE dans le programme des vols secrets des agents de la CIA a montré que le Maroc était un point de chute habituel des «passagers» des avions de l'agence de renseignements américaine. Un autre rapport de 2012, du parlement russe (Douma), avait également conclu à la participation du royaume dans la torture de détenus d'Al Qaida dans la base de Guantanamo. Faut-il s'attendre à d'autres révélations de documents secrets sur la torture pratiquée par la CIA ? Le Washington Post précise qu'il reste environ 6000 pages sur le même sujet frappées encore du sceau de la confidentialité. La date de leur publication n'est pas encore décidée. Il faut noter que ce sont avant tout des considérations internes liées à la chute de la popularité du président Barack Obama, notamment après la série de meurtres de jeunes noirs par des policiers blancs, qui sont à l'origine de ce grand déballage. Par ailleurs, cette déclassification partielle et l'ommission du Maroc rappelle étrangement le cas de la disparition de Mehdi Ben Barka. En effet, été 2007, la déclassification, dans le cadre de l'opération baptisée «Bijoux de la Famille», des activités de la CIA de 1950 à 1970, n'avait pas concerné les pages liées au dossier de l'ancien opposant au roi Hassan II.