Les saisonniers en France travaillent sous de conditions souvent exécrables, encore (et surtout) aujourd'hui. Beaucoup viennent du Maroc, et 18 d'entre eux se sont révoltés contre leur employeur – avec succès. A peine 40 kilomètres séparent le Mas de la Melonnière à Entressen (Bouches-du-Rhône), ou depuis 5 ans, des saisonniers majoritairement Marocains font la cueillette de fruits, et l'ancien lieu de travail de M. Baloua Aït Baloua, saisonnier pendant plus de 20 ans sur une exploitation de pommes à Charleval (dans la même région d'Entressen). Les deux exploitations tournent grâce aux saisonniers, employés sous contrats dits OMI (office des migrations internationales) dans de conditions difficiles. Et aussi bien M. Baloua Aït Baloua que, plus récemment, 18 saisonniers marocains sur le Mas de la Melonnière ont protesté contre ces conditions de travail et le cadre juridique précaire qu'est celui de saisonnier en France. Première en France : tous deux ont obtenu gain de cause. M. Baloua Aït Baloua avait essayé de faire valoir ses droits contre son ancien employeur, mais le procès a été sans effet. Par contre, la bataille juridique qu'il a engagé à l'encontre de l'Etat, quand il s'est vu refuser le titre de séjour français, a certes dû aller jusqu'au Conseil d'Etat mais a finalement été couronnée de succès. Il a eu sa carte de séjour, et des indemnités – toutefois minces comparés au préjudice subi, 3000 euros. Si l'ancien employeur de M.Aït Baloua avait encore tiré ses épingles du jeu, l'employeur de 18 saisonniers marocains dans la commune d'Istres a dû concéder une petite victoire à ses employés dans ce qu'une militante syndicale relate comme véritable affrontement entre l'exploitant agraire et les saisonniers. Le comportement de leur chef aurait fait sortir les saisonniers marocains de leur réserve – chose rare, vu leur dépendance de l'employeur. Mais jeudi, 24 juin, quand au retour de chez le médecin, deux saisonniers ont été insultés, et l'un attaqué violemment par l'employeur, les autres se sont solidarisés avec eux et ont décidé d'entrer en grève et de porter plainte. Selon le récit publié sur rue89.com, le lendemain, ils sont allés à l'hôpital pour faire constater les blessures, ont pris contact avec des représentants syndicaux, et ont porté plainte auprès de la police. En rentrant sur l'exploitation avec les représentants syndicaux, la violence a éclaté. Une quinzaine d'employeurs des environs, «armés de masses et de bâtons», auraient chargé, «blessant deux ouvriers à la tête avec de grosses pierres, ainsi que le représentant régional de la CGT agricole», rapporte rue89. Pendant les 10 jours qui suivent, les saisonniers, logés dans les environs, patientent, et racontent. Il devient clair que l'affrontement violent n'était que la pointe de l'iceberg. L'employeur exploitait au plus les saisonniers qu'il appelait son «troupeau». Des punitions gratuites faisaient parti du quotidien, humiliant chaque fois un peu plus ses travailleurs. «Tu fumes une cigarette ? Tu as trop d'argent, dans ta chambre !» Infantilisant ainsi ses employés, il en tirait des bénéfices également, car «dans ta chambre» signifiait que la journée passée au dortoir était déduite du salaire mensuel – où déjà, les heures supplémentaires n'étaient pas prises en compte. Le 5 juillet, après douze heures en «conciliation», la direction du travail d'Aix-en-Provence aurait reconnu que les saisonniers étaient dans leur droit. Selon rue89, «l'ensemble de ce qui leur est dû va être réglé par l'employeur (heures supplémentaires, congés payés…).» Depuis, les Marocains auraient repris le travail, en de meilleures conditions. Des conditions qui ne sembleront peut-être plus issues d'un autre monde. Un autre monde qui est pourtant bien présent en France, légitimé par les accords bilatéraux entre le Maroc et la France et les conditions inhérentes aux contrats de l'office des migrations internationales (OMI). Depuis bien longtemps, ces contrats sont critiqués par différentes associations. Ils durent au maximum 6 mois, libèrent l'employeur des charges sociales et, fait important, laissent à l'employeur le choix nominatif des saisonniers. Comme pour pouvoir revenir facilement l'année suivante les saisonniers doivent partir de France avec en poche leur contrat de l'an prochain, l'employeur dispose d'un outil de pression considérables à l'encontre des saisonniers. Un outil que l'exploitant du Mas de la Melonnière a usé à profusion. Reste à savoir si les 18 Marocains concernés vont être embauchés de nouveau l'année prochaine. Cela est moins que sûr, mais depuis la procédure entamée à son encontre, le patron ne cesserait «de leur dire 's'il-te-plaît'». Un premier pas..