Un Marocain travaillant depuis 28 ans en tant qu'ouvrier agricole saisonnier dans le sud de la France a obtenu gain de cause après la condamnation de l'Etat français à lui délivrer une carte de séjour temporaire et à lui verser 3.000 euros d'indemnités. Saisi par la Haute autorité de Lutte contre les discriminations et pour l'Egalité (HALDE), le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative en France, a en effet jugé que ce travailleur agricole marocain était victime d'un "usage abusif du statut de travailleur saisonnier", a-t-on appris de la HALDE. Le Conseil d'Etat a justifié sa décision, dont la MAP a obtenu copie, par "l'ancienneté de la présence de l'intéressé en France dont il n'a jamais été éloigné plus de quatre mois", par le "caractère systématique de l'allongement de la durée de son séjour à huit mois" et le fait qu'il avait "ainsi fixé en France le centre de ses intérêts professionnels". M. Baloua Aït Baloua, 53 ans, avait saisi en 2007 la HALDE, estimant que le maintien par son employeur du statut de travailleur saisonnier, sous couvert de contrats "OMI" (office des migrations internationales) systématiquement renouvelés et prolongés (alors même qu'il travaillait depuis 1982 sur la même exploitation agricole), lui portait préjudice. La HALDE avait également été saisie par le CODETRAS (collectif de défense des travailleurs étrangers dans l'agriculture), ainsi que par 18 autres travailleurs marocains, concernant les discriminations qui toucheraient les travailleurs de longue durée employés dans le domaine agricole dans le département des Bouches du Rhône (Sud). Après enquête, la HALDE a estimé que l'extension systématique des contrats "OMI" par l'administration au-delà de la durée légale de 6 mois constituait "un détournement de procédure, dans l'objectif de pourvoir aux besoins permanents de travail agricole, avec une main d'oeuvre recrutée sous le statut de saisonnier". Or, le maintien de ces travailleurs de nationalité marocaine dans le statut juridique de "travailleur saisonnier" a "entraîné des discriminations en matière de droit au séjour, de conditions de travail, de protection sociale (maladie, chômage, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles) et de droit au respect de la vie privée et familiale", souligne la HALDE. En plus de son appui aux situations individuelles, la HALDE a recommandé au Ministre de l'immigration et à celui du Travail, ainsi qu'au Préfet du département des Bouches du Rhône (Sud) d'engager une réflexion permettant de prendre en compte la situation des travailleurs étrangers saisonniers présents sur les exploitations agricoles du département des Bouches-du-Rhône depuis de nombreuses années. Elle a notamment invité le ministre de l'Immigration de "procéder au réexamen de la situation desdits travailleurs étrangers saisonniers en vue de la délivrance d'un titre de séjour".