Les rangs des organisations des droits humains militant pour la libération d'Ali Anouzla se gonflent. Plus de 60 d'entre elles ont lancé, jeudi, un appel conjoint pour que le directeur de publication de Lakome soit «immédiatement» remis en liberté, invitant au passage les autorités marocaines à se conformer aux textes sur les droits de l'homme. Elles ont rappelé la nécessite de définir clairement les infractions liées au terrorisme de manière à garantir qu'elles ne résultent pas en interférence injustifiée ou disproportionnée à la liberté d'expression. Alors qu'il est toujours enfermé dans la prison de Salé à proximité de Rabat, Ali Anouzla continue pourtant de recevoir le soutien fort des organisations des droits de l'homme. Hier, ce sont plus d'une soixantaine d'entre elles qui ont lancé un appel commun aux autorités marocaines pour la libération «immédiate» du directeur de publication de Lakome, les invitant au passage à se conformer au droit international. Dans un texte publié sur le site de Reporters Sans Frontières, qu'elles ont toutes signé, elles considèrent «l'inculpation d'Ali Anouzla, le 24 septembre 2013,…pour ''aide matérielle'', ''apologie du terrorisme'' et ''incitation à l'exécution d'actes terroristes'', sur la base de la loi marocaine anti-terrorisme 03-03 du 28 mai 2003, sans aucun fondement dans le droit international…». Selon ces organisations, cette condamnation constitue «une grave violation de la liberté d'expression du journaliste et de son droit d'informer le public». «Par conséquent, les charges contre lui doivent être abandonnées et il doit être immédiatement libéré», exigent-elles, tout en se disant «choquées» après avoir examiné l'article pour lequel Anouzla est incriminé. De leur avis, l'article évoque «simplement le contenu d'une vidéo d'AQMI que le journaliste en question a lui-même qualifié de ''propagande'', et a fourni un lien indirect avec celle-ci». Définir clairement les infractions relatives au terrorisme Dans leur revendication commune, les ONG expriment leur préoccupation par rapport aux arrestations répétées des journalistes. Elles réclament le respect des textes et pactes internationaux sur la liberté d'opinion et d'expression. Ainsi, elles invitent les autorités marocaines à se référer au Comité des droits de l'homme des nations unies, pour qui les infractions telles que «encourager le terrorisme» et «activité extrémiste», ainsi que «louant», «glorifiant» ou «justifiant» le terrorisme devraient être clairement définies et ce, de manière à garantir qu'elles ne résultent pas en interférence injustifiée ou disproportionnée à la liberté d'expression. Par ailleurs, les ONG rappellent qu'en 2008, une déclaration commune de plusieurs rapporteurs de la liberté d'opinion et d'expression avait mentionné cette question. Ladite déclaration demandait aux Etats de reconsidérer leur opinion sur l'appel au terrorisme. «L'apologie du terrorisme ne devrait être pénalisée que si elle constitue une incitation délibérée au terrorisme, c'est-à-dire un appel direct à commettre des actes terroristes qui sont directement responsables de l'accroissement des risques d'actes terroristes, ou de la participation à des actes terroristes . . .», pouvait-on lire sur la déclaration. En plus, cette dernière précisait que «des notions vagues comme la fourniture d'une assistance en communication au terrorisme ou à l'extrémisme, la ''glorification'' ou la ''promotion'' du terrorisme ou de l'extrémisme, et la simple répétition de déclarations faites par des terroristes, ne constituent pas en soi une incitation ou une collusion avec le terrorisme. Elles ne doivent pas être pénalisées». «Les restrictions excessives à l'accès à l'information doivent également être évitées», pestent les organisations. Réponse au département de la Communication Suite à l'arrestation d'Anouzla, de nombreuses ONG étaient montées au créneau pour dénoncer une détention arbitraire sur la base d'une ligne éditoriale critique. Leurs appels en faveur de la remise en liberté du journaliste avaient amené le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi à réagir, critiquant la position de ces ONG tout en s'appuyant sur la Déclaration de Vienne. Aujourd'hui, c'est au tour de ces dernières de répondre. Selon elles, tout appel et toute incitation à la violence, à la discrimination et à l'hostilité par n'importe quelle organisation ou personne, sont condamnables. Toutefois, rappellent-elles, l'article incriminé qualifie la vidéo comme une «propagande». Donc, en aucun cas, il ne peut pas être considéré comme une incitation à la violence sous les standards internationaux. Revenant sur la Déclaration de Vienne, les ONG prennent le contre pied d'El Khalfi qui avait cité une partie incomplète de celle-ci pour justifier l'arrestation d'Anouzla. «Les médias doivent être libres dans leur couverture du terrorisme, y compris les actes et l'idéologie terroristes, tant que cela ne constitue pas une incitation intentionnelle au terrorisme.», soulignent-elles. Elles précisent également, toujours en se basant sur le même texte, qu' «en conséquence, nous insistons encore sur le fait que la déclaration de Vienne protège Anouzla contre l'invocation arbitraire de la loi anti-terroriste contre sa liberté d'expression et son droit d'informer».