Descartes s'est-il mis à jouer à la belotte ? La raison a-t-elle fini en zonzon ? L'intelligence a-t-elle fait allégeance à la bêtise ? Face à la succession des affaires saugrenues, aux arrestations arbitraires, au vide politique, à l'improvisation méthodique et préparée, il est permis d'affirmer que quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays. Mes propos risquent de choquer certains mais je le répète : quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays ! Fhamtini ola la ? Car il est tout de même permis de douter de la direction que prend un pays où la politique se transforme en rébus animaliers passant des crocodiles aux ânes, où le chef du gouvernement se cache dans les devinettes ésotériques sur l'identité des 3afarites (démons), et où son opposant joue à des chiffres et des lettres comptant le nombre de bises que Benkirane fait aux femmes en fonction de leur nationalité. Quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays, quand l'improvisation de décisions engageant toute la population de notre nation, fait office de politique réfléchie, préparée méthodiquement, affichée avec fierté au journal télévisé. Il est permis de douter de l'efficacité d'un gouvernement qui décide, la veille, que le changement d'heure prévu plusieurs mois avant, est reporté. Dès lors, il est légitime de s'inquiéter sérieusement des décisions sur des questions bien plus sensibles que pourraient prendre nos décideurs. Mais vraiment quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays quand on embastille un journaliste pour ses écrits, au lieu de le juger en état de liberté, préférant au terrorisme l'assimiler. A part quelques gazouillis, tout ce que le Maroc compte de larynx et de cordes vocales l'a déjà condamné. Que dire de ces partis politiques qui basent leur ligne politique sur les dépêches officielles ? Que pensez des journalistes et de leur syndicat fustigeant un confrère qui a le mérite de ne pas utiliser sa plume pour attaquer les plus faibles et ceux qu sont à terre. Il y a de toute évidence quelque chose de bien plus fort que le corporatisme qui ne se réveille que pour demander une carte pour la gratuité du train, quelque chose de bien plus puissant que les valeurs humaines liées à la défense des libertés individuelles, c'est cette génuflexion systématique devant plus puissant que soit. Indignation sélective Je le répète encore si vous n'avez pas compris, il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce pays quand des ONG, mi-figue mi-raisin, qui chantent les libertés quand tout va bien, et adoptent une position presque normande «mi oui, mi non» dès que l'enjeu devient sensible. Par cette fausse neutralité, elles condamnent de fait les journalistes trop courageux dans un monde où la lâcheté est devenue une qualité. Par cette attitude pseudo helvétique, elles abandonnent les jeunes faux ex-musulmans qui se convertissent au catholicisme comme on pointe au Pôle emploi dans d'autres contrées plus développées. Des associations soutenues par quelques influenceurs sur les réseaux sociaux n'hésitent pas à réclamer –à juste titre- le changement de l'article 475 du code pénal, tout en fustigeant la justice corrompue autorisant le mariage du violeur à sa victime. Mais les mêmes, aujourd'hui, nous chantent que pour Ali Anouzla, il faut laisser la justice suivre son cours, il faut respecter scrupuleusement la loi anti-terroriste de 2003, et nul ne peut se soustraire au 3ème pouvoir, surtout pas les «inconscients» qui croient encore à la grandeur du 4ème. Encore plus étonnant, les mêmes qui ont marché pour dénoncer les violeurs et les pédophiles chercheront des excuses pour ne pas condamner clairement la grâce du pédophile Daniel Galvan, tout en attaquant ceux qui sortiront à Rabat cotoyer la matraque des forces auxliaires. Quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays quand les médias, anciens ou plus récents, même les nouveaux aux méthodes anciennes, qui tournent en rond, préférant parler de la pluie quand il fait beau, du beau temps quand il pleut, assurant une couverture religieuse des festivals et autres joyeusetés pour mieux cacher les misères de l'actualité. Ces prestidigitateurs de l'information savent détourner l'attention des lecteurs –pas encore autorisés à devenir citoyens-, avec une ligne éditoriale sponsorisée par le secteur de la cosmétique, croyant faire disparaitre la morve, en tapissant leurs colonnes de rouge à lèvres. Des contorsionnistes de la plume, qui chaque jour, même quand les nuages s'amoncellent et que le tonnerre gronde, trouvent le moyen d'écrire dans un dégradé de couleurs arc en ciel : «Tout va bien Madame qui fume la Marquise dans le plus beau pays du monde». Que faire de cette abondance de supports si elle ne sert ni la pluralité, ni la défense des libertés individuelles ? La logique des décisions de justice Alors même si je donne l'impression de me répéter, sachez-le, quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays. Un pays où le violeur est marié à sa victime par décision de justice, un pays ou un pédophile est gracié pour raison médicale / pour les intérêts supérieurs de la nation / par erreur, selon les versions, un pays où les personnes poursuivies pour de graves détournements sont relâchées pour des raisons «humanitaires». C'est aussi le pays où un gamin algérien prend un an de prison ferme pour avoir baisser le slip d'un autre gamin marocain parce que fils d'un gradé. C'est aussi le pays où on envoie dans les prisons -déjà surpeuplées- des jeunes pour avoir bu de l'eau ou grillé une cigarette pendant le ramadan, comme si notre foi ne saurait résister face à cette «infâme provocation». C'est aussi le pays où on envoie des rappeurs chanter en prison pour des lyrics un peu trop explicites. C'est aussi le pays où une ONG dénonce deux gamins, près de Nador, qui ont osé publier la photo de leur dernier bécot, sur leur compte Facebook. N'y voyez-vous aucune contradiction ? Si ? Quelques-unes ? Pas assez ? Si nous sommes si peu à nous offusquer, nous sommes condamnés à la damnation. Il y a quelque chose de profond qui fait que ça ne tourne pas rond dans ce pays. Ca vient très certainement d'en haut, ceux qui nous dirigent, ceux que nous avons élus et ceux qui n'ont pas besoin de l'être, en somme ceux qui prennent les décisions qui nous condamneront encore pour 20 ans de statuquo. Mais la responsabilité est également à chercher aussi dans les autres niveaux. Trop souvent, au moment de s'engager dans un rond point, trop peu de Marocains cèdent le passage à la raison.