Il a fait ses années de gloire, a fait rêver la planète par son modèle qui allie finance et protection de l'environnement, a enrichi les pays qui ont senti le filon comme la Chine, l'Inde ou le Brésil...mais actuellement, il s'achemine vers une fin qui a l'allure d'un échec. Depuis 2008, le Mécanisme de Développement Propre crédits carbone, grande trouvaille du protocole de Kyoto, s'embourbe dans un crash financier qui a fait chuter les cours de 30 euros au tout début de ce mécanisme en 2005 à 0,5 centimes en juillet dernier! En 2005, un marché de carbone a été instauré pour contenir les émissions à effet de serre. Les crédits Carbone permettent aux industries des pays développés de continuer leurs activités polluantes pourvu qu'un projet dans les pays du Sud pose simultanément des actions dites propres. En gros, les industries du Nord achètent des permis de polluer. C'est un mécanisme de compensation qui repose sur les mêmes standards de la finance capitaliste, c'est-à-dire une bourse mondiale, des quotas d'utilisation comme les portefeuilles d'actions, des commissions... Or, depuis la crise de 2009, toute la gymnastique montée autour de ce système est en souffrance. Les fonds de financement sont presque à l'arrêt. «Gagner de l'argent propre avec de l'air pollué», expression consacrée par les Marketeurs du carbone, n'est plus qu'une chimère. A cause de la chute des cours, les quotas en circulation sont trop nombreux par rapport aux émissions de CO2 à compenser. Les pays du Sud gardent leurs crédits bien au chaud en espérant que le marché se relèvera pour les vendre, mais va t-il se redresser un jour? D'autant que les résultats de ce mécanisme sont de plus en plus contestés. Les crédits carbone n'ont pas atteint leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre. En plus, le mal a été aggravé par les scandales financiers qui ont éclaté autour de la bourse du carbone: des boursicoteurs peu scrupuleux ont amassé des fortunes en manipulant les cours. Même la viabilité du système est menacée comme cela ressort des reportages sur les effets pernicieux des projets Carbone dans les pays émergents. Le dernier «La ruée vers le Carbone», réalisé par la journaliste Amy Miller et projeté sur TV5 Monde le 3 septembre dernier, nous a emmenés autour du monde rencontrer les gens qui subissent les effets pernicieux de ces projets. On y découvre comment ces projets estampillés MDP (Mécanisme de Développement Propre) ont abouti à des assassinats, à l'appauvrissement de la population et ont mis le doigt sur le fait que le système du carbone n'a fait qu'enrichir des financiers. La Maroc dans tout cela? Il est resté fidèle à son image de «petite économie à l'abri des turpitudes mondiales». Les crédits Carbone au Maroc, c'est l'histoire d'une opportunité ratée par manque d'anticipation et de ressources humaines qualifiées. Car si des pays émergents ont pu sauter sur «l'or vert» en 2005 et en ont tiré de sacrés profits, le Maroc a atterri dans le domaine du carbone presque sans conviction. Selon le tableau détaillé des projets de crédits carbone transmis par le Ministère de l'Environnement, en tout et pour tout, 7 projets marocains ont été enregistrés auprès des Nations Unis dont 2 ont généré des crédits: Un dans la biomasse et l'autre dans l'éolien. Le principal, celui de l'ONE, concerne l'éolien. Il a été monté par le Fonds Capital Carbone Maroc FCCM de CDG Capital en octobre 2010 en syndication avec ORBEO et le Fonds Post 2012 Carbon Credit Fund. Un contrat d'achat d'environ 2 millions de tonnes sur la période 2011-2018, relatif au projet éolien de Tanger de 140MW de l'ONE. Depuis, le Fonds de la CDG, qui était voué à un bel avenir, est dans l'attentisme à cause de la chute des cours dans le monde. Il est désolant de voir s'illustrer dans ce dossier des crédits carbone encore une fois ce handicap marocain qui consiste à réaliser des projets d'envergure sans y consacrer les ressources humaines adéquates. Comme l'indiquent nos sources, si le programme Carbone a capoté au Maroc, c'est bien à cause du manque terrible de compétences managériales pouvant piloter ces opérations techniques et fastidieuses d'enregistrement auprès des Nations Unis, les contrôles, les montages financiers, le suivi...S'y ajoute, la déconnexion entre les acteurs publics et privés et même entre les acteurs publics eux-mêmes. Car comment comprendre qu'il n'y ait pas une collaboration étroite entre le département de l'Environnement et le ministère des Affaires Etrangères dans le suivi des mécanismes du protocole de Kyoto? Pourquoi le Maroc n'a pas pu profiter de son associé naturel l'UE, le plus grand marché carbone au monde, pour s'adjuger les meilleurs marchés? En 2005, le Maroc aurait pu jouer dans la Cour des grands comme les autres pays du Sud. L'ironie de l'histoire a fait qu'il commence à peine à consolider ses projets Mdpables: l'énergie solaire avec Masen, l'éolienne avec Nareva, le projet des décharges contrôlées, sans parler des nombreux projets verts dans l'agriculture un peu partout au Maroc. Maintenant qu'il y a des projets à vendre, il est malheureusement trop tard d'entrer dans l'arène des crédits carbone dans leur formule actuelle. La planète est embarquée dans de nouvelles discussions sur des programmes futurs. Mais rien n'est encore gagné. Visiter le site de l'auteur: http://www.mdd.ma