Le projet de la charte des valeurs québécoises sera déposé à l'Assemblée nationale la semaine prochaine. Initié par le gouvernement de la région du Québec, il vise à renforcer l'importance de l'égalité homme-femme, mais reste très décriée par la communauté musulmane qui voit en cela une porte ouverte à la montée de l'intolérance. Détails. La charte des valeurs québécoises «est décrite comme une pièce législative pour protéger l'égalité homme-femme, mais elle aura l'effet inverse», assure au journal La Presse Salam El-Menyawi, président du Conseil musulman de Montréal (CMM). «Depuis que le débat est médiatisé, des femmes musulmanes me disent être interpellées ou violentées verbalement dans la rue par des [Québécois de souche] plus souvent qu'avant», a-t-il ajouté. «La loi fermera les portes de la fonction publique aux femmes musulmanes» L'Association des femmes algériennes rapporte le cas d'une de leur membre à la recherche d'un emploi, d'après le même journal. Pour s'être présentée à l'entretien dans une garderie avec son voile, on lui a répété : «non, partez, il n'y a plus de poste, quittez la garderie», raconte la vice-présidente, Ahlem Belkheir. De plus, il y aurait de nombreuses histoires de ce genre depuis l'ouverture du débat autour de la fameuse charte des valeurs. «Si le gouvernement interdit le port de signes religieux ostentatoires des postes de la fonction publique, ce sont nos mères, nos cousines et nos sœurs qui seront touchées. Même si on ne porte pas le voile, on est visées», remarque la responsable non voilée. Salam El-Menyawi, coupe court. Même en cas d'adoption de la charte, «les femmes musulmanes qui portent le voile ne l'enlèveront pas, dit-il. La loi les empêchera [donc] de travailler». La profanation d'une mosquée divise D'après ce responsable, le projet des autorités de la province québécoise «n'est pas une charte des valeurs, mais une charte de l'intolérance», d'autant plus qu'elle «attise les animosités entre Québécois de souches et musulmans». Il en veut pour preuve la profanation d'une mosquée à Saguenay (ville située au centre du Québec), survenue le week-end dernier. En effet, des individus ont couvert les murs de l'édifice religieux de sang de porc, laissant des messages à caractère purement islamophobe. Plusieurs politiques ont condamné cet acte, estimant cependant que les deux affaires n'étaient pas liées. A titre d'exemple, pour le ministre responsable de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Stéphane Bédard, la profanation de la mosquée est «un geste isolé» qui ne saurait être une conséquence du débat actuel autour de la charte des valeurs. Un point de vue curieusement partagé par le président du centre culturel islamique de Granby (CCIG), Houssem Sfaxi. Mettant en avant la bonne réputation des Québécois, il estime que les coupables sont des «extrémistes» qui essayent d'alarmer la population québécoise. Mais pour la Marocaine Samira Laouni, présidente fondatrice de l'association Communication, ouverture et rapprochement interculturel, on ne peut pas isoler les deux événements, car «le débat identitaire qui, s'il n'est pas contrôlé, mène rapidement à des débordements». «Nous remarquons que ça prend de l'ampleur et que le tout devient une polémique, même si personne n'a encore lu les détails de la Charte que proposera le gouvernement Marois», remarque-t-elle. Recours à la justice Quoi qu'il en soit, le Conseil musulman de Montréal est déjà résolu à saisir les tribunaux en cas d'adoption de cette charte. La stratégie judiciaire à employer est en cours d'étude. Après la France et plusieurs autres pays d'Europe, le Canada, plus particulièrement le Québec soulève un sujet délicat qui, à presque tous les coups, mènent à la stigmatisation. Pour l'instant, les politiques calment le jeu. Mais les choses pourraient prendre une tournure dangereuse pour la société. D'après Samira Laouni, le débat ne devrait pas aboutir légiférer sur des valeurs, afin d'éviter le pire.