Le bilan de l'an 2014 ? Le monde se souviendra longtemps de nombreuses dates qui l'ont jalonné ; le moins qu'on puisse en dire est qu'il s'est achevé sur les chapeaux de roue à travers l'effervescence politique qu'on connu de nombreux pays. Le Canada n'est pas en reste et la communauté musulmane qui y réside en a payé les frais plus d'une fois au cours de l'année écoulée. Les nombreuses mésaventures et incidents auxquels ils ont dû faire face les ont fait accueillir l'année 2015 avec autant de soulagement que d'attentes à la hauteur de leurs efforts pour vivre dignement. Les mauvais souvenirs ne sont pas encore loin... La nommer autrement que par un euphémisme aurait dévoilé toute la cruauté des situations vécues par les Musulmans dans une société où ils essaient de se faire une place au soleil. «L'année des beaux malaises» est ainsi le titre choisi par le directeur et éditeur de Magazine et Web Télé de Montréal Abdou Zirat pour son 5ème édito sur le web télé, M télé. Il y analyse efficacement les faits marquants de l'année 2014, des faits qui ont bousculé la quiétude des Musulmans établis au Canada: «L'année a fini comme elle a démarré : dans le malaise, à commencer par la dure épreuve de la Charte : le 7 avril, les urnes ont chassé le Parti Québécois et sa charte. Il a projeté de mettre en application un projet de loi portant sur la laïcité de l'Etat, une fois qu'il serait reconduit au pouvoir avec une large majorité au parlement». La charte de la laïcité, rappelons-le, appuie l'interdiction du port de signes religieux publics par le personnel travaillant dans le secteur public. En fait, elle va directement au but en interdisant le foulard islamique dans toutes les administrations et organismes publics ainsi que les hôpitaux et tous les établissements des enseignements primaires et secondaires. La défaite électorale du Parti Québécois a avorté cette charte à laquelle 58% des Montréalais s'opposaient. Deuxième coup asséné aux musulmans et à leurs croyances : Le 30 janvier 2014, une quinquagénaire marocaine, arrivée depuis juste un an au Québec, trouve une mort atroce dans une station de métro, étranglée par son foulard coincé dans le mécanisme d'un escalier roulant du métro à Montréal. Le triste évènement se répand comme une traînée de poudre dans le pays et le foulard devient l'excuse rêvée de s'en prendre implicitement aux ressortissants musulmans. Le titre vraisemblablement railleur «Etranglée par son hijab» alimente les sujets des médias et excite l'agressivité contre l'Islam sur les réseaux sociaux : «Cette mort tragique a donné lieu à un déferlement de commentaires racistes et haineux sur internet, commente l'animateur dans son édito, après que certains médias eurent dévoilé que la victime portait un hijab. Le Collectif québécois contre l'islamophobie a dénoncé ces commentaires, ajoute-il, qui se sont intensifiés en raison du débat déjà polarisé sur le projet de charte des valeurs québécoises». Neuf mois plus tard, un nouvel incident vient remuer le couteau dans la plaie encore fraiche de la réputation des musulmans. Deux psychopathes commettent des attentats à deux jours d'intervalle : le 20 et 22 octobre, le premier à Saint-Jean Richelieu et le second à Ottawa. Pure coïncidence ? On ne le saura jamais puisque les coupables trouveront la mort dans leur propre embuscade. Mais ce qui est sûr c'est qu'il s'agissait d'actes isolés, révélés par l'investigation de la sûreté canadienne. Les musulmans du Canada se retrouvent à nouveau sous les feux de la rampe. Les médias en font leurs choux gras et les extrémistes trouvent matière à s'attaquer ouvertement aux canadiens musulmans en les accusant de radicalisme et de barbarie et vont même jusqu'à profaner leurs lieux de culte, entre autres la mosquée de Saguenay, acte revendiqué par un citoyen lambda qui a expliqué son acte dans une lettre adressée aux médias : «je suis terrorisé à la pensée que mes petites-filles et mes petits-fils vivent dans un Québec islamique dans 15 ou 20 ans». Au moment où on pense que la hache de guerre est enterrée et que les esprits se sont apaisés, les mosquées font encore parler d'elles, cette fois-ci par le président de la fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur. Le représentant du syndicat avait exprimé son inquiétude pour la sécurité de ses confrères suite aux incidents tragiques survenus dernièrement à New York, quand deux policiers ont été abattus par balles dans leur véhicule de patrouille par un homme qui souhaitait venger la mort de deux Afro-Américains, tués par des membres des forces de l'ordre. Interrogé sur la raison qui ferait des policiers de Montréal la cible d'attentats pareils lors d'un entretien accordé au quotidien Le Devoir, Y. Francoeur a évoqué «le caractère multiethnique» de Montréal : «On s'inquiète pour Montréal compte tenu de son caractère multiethnique, compte tenu des [attentats] d'Ottawa et de Saint-Jean-sur-Richelieu, a-t-il affirmé. Lorsqu'il y a des mosquées sur ton territoire, malheureusement, il y a des gens plus extrémistes». Des propos qui lui valent une levée de boucliers de la communauté musulmane et qui le poussent à revoir sa déclaration, mise sur le compte du malentendu linguistique. Le caractère multiculturel de Montréal devient donc «une facette importante de la réalité dont il fallait tenir compte» et non plus un problème en soi. A part ces évènements apolitiques tout va bien dans le meilleur des mondes, et le passage vers l'année 2015 s'est passé sans heurts... Peut-être grâce à la sacralité de l'esprit de Noel qui mobilise les efforts et les esprits ? Maintenant que les festivités ont pris fin il y a «heureusement» les tempêtes de neige qui se succèdent et qui font qu'on se concentre plus sur le déneigement d'allées impraticables et de routes boueuses où le verglas fait danser les voitures. La grisaille de la poudrerie aura-t-elle raison des fourberies extrémistes ? En tout cas, elle a le don de canaliser les énergies ailleurs que sur une communauté mise dans le même panier qu'une poignée de fous qui agissent au nom d'une religion qui n'est pas la leur. A bon entendeur, bonne année 2015 !