Le nombre de médecins condamnés pour avoir pratiqué l'avortement clandestin va crescendo au Maroc. Pour preuve, au cours de ces cinq derniers mois uniquement, au moins cinq praticiens ont été incriminés. Face à cette situation, le président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC), Chafik Chraïbi, a tiré la sonnette d'alarme et appelé à la mobilisation pour pouvoir avancer sur la question. C'est un secret de polichinelle de dire que la pratique de l'avortement clandestin est fréquente dans le Royaume. Pourtant, elle n'est pas sans conséquences. Des médecins en ont fait les frais ces cinq derniers mois. Cinq spécialistes et leurs équipes respectives ont été condamnés à de lourdes peines par les tribunaux marocains. Le dernier cas remonte à il y a un mois, lorsqu'un médecin de Meknès a été condamné à 10 ans de prison ferme, un million de dirhams d'amende et une interdiction totale d'exercer le métier, explique à l'agence EFE le professeur Chafik Chraibi, également chef du service de gynécologie et d'obstétrique au CHU de Rabat. L'anesthésiste, la secrétaire et l'infirmière ont pris eux aussi trois ans. Le président de l'AMLAC ignore les raisons de la recrudescence de ces condamnations, mais ne l'attribue pas nécessairement à l'arrivée du PJD au gouvernement. Toutefois, il pense que la loi s'est durcie ces derniers mois. «Tout le monde a peur, nous revenons en arrière et c'est le moment de se mobiliser pour avancer», explique le Pr Chraïbi qui a réaffirmé la nécessité de «pratiquer des avortements dans de bonnes conditions pour éviter que des femmes et des enfants décèdent». Inclure les cas de viols, d'inceste dans l'article 453 du code pénal L'article 453 du code pénal marocain n'autorise l'avortement que lorsque la santé de la mère est menacée et qu'un médecin confirme cet état de fait. Néanmoins, l'AMLAC exige que le ministère de la Santé revoit cet article en y incluant les cas de viols, d'inceste ou de malformations surtout que les condamnations des médecins sont de plus en plus fréquentes. Un grand nombre de femmes donnent naissance à des enfants suite à des grossesses non désirées, ce qui augmente les cas d'abandon d'enfant au Maroc. Selon l'Association marocaine Insaf, 24 enfants sont abandonnés chaque jour. Une situation surtout due au regard de la société marocaine sur les mères célibataires. Quant aux cas d'infanticides, ils sont souvent liés, selon le président de l'AMLAC, aux énormes contraintes pesant sur l'avortement. «Une femme célibataire est venue en consultation avec une forte hémorragie après avoir tué son nouveau-né», révèle le Pr Chraïbi. «Elle se trouve actuellement en détention avec sa sœur», ajoute-t-il. Quatre bébés ont été dernièrement trouvés dans des dépôts d'ordure à Casablanca. Selon le Pr Chraïbi, il s'agit d'un phénomène qui, avec la condamnation des médecins pratiquant l'avortement clandestin, ira en augmentant. 900 avortements par jour et maintenant… D'après les chiffres de l'année 2012, 900 avortements sont pratiqués chaque jour au Maroc y compris ceux qui se déroulent dans les maisons. Entre 500 et 600 sont effectués avec la présence bien qu'illégale de gynécologues, médecins généralistes ou de chirurgiens pour un prix allant de 1 500 à 10.000 dirhams. Selon l'AMLAC, 150 à 200 cas d'avortement se font dans des conditions sanitaires «catastrophiques» par des infirmières, sages-femmes et herboristes pour un coût très faible. Au niveau du gouvernent, un référendum sur l'avortement avait été même évoqué par Bassima Hakkoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social. Une idée rapidement balayée par les spécialistes de la question notamment le Pr Chraïbi estimant qu'on ne fait «pas de référendum pour une question purement médicale».