L'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin a décidé de passer à la vitesse supérieure en organisant une marche nationale à Rabat avant la fin de l'année. Le président, Chafik Chraïbi estime que cette question pourrait être facilement réglée si l'article 453 du code pénal était mieux interprété. La légalisation de l'avortement n'est toujours pas dans l'agenda du Parlement. Le projet de loi visant la légalisation de l'avortement dans des cas bien précis (viol, inceste, malformations fœtales, filles mineures, femmes âgées de plus de 45 ans, pathologies psychiatriques) n'a pas encore vu le jour. L'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) a décidé de passer à la vitesse supérieure en organisant une marche nationale avant la fin de l'année. «Cette marche qui se tiendra à Rabat rassemblera les médecins et plusieurs ONG féminines. Il s'agira de revendiquer de manière plus explicite la légalisation de l'avortement dans certains cas», déclare le Pr Chafik Chraibi, président de l'AMLAC. L'ONG a entrepris plusieurs démarches pour faire avancer ce dossier. A ce sujet, le Pr Chraibi rappelle qu'un mémorandum avait été adressé à la Commission Menouni pour que l'avortement fasse partie du droit de la santé de la femme et du droit des femmes à disposer de leur corps. Par la suite, l'AMLAC a adressé une lettre à Mohamed Moâtassim, conseiller de SM le Roi. «Je lui ai adressé une lettre mentionnant les différentes recommandations du congrès national sur l'avortement qui s'était tenu les 23 et 24 avril 2010. Cela fait 14 mois que je n'ai toujours pas eu de réponse», regrette Pr Chraibi. Ce dernier ne cache pas que les partis politiques ne veulent pas s'impliquer dans cette question. «Il y a 3 ans, le PJD et le PAM ont été les premiers à me soutenir dans ce combat. L'année dernière, ils ont déclaré qu'il fallait déposer au plus vite un projet de loi. Mais les membres du PJD sont divisés sur le sujet. Depuis, je n'ai plus eu de contact avec ces deux partis», souligne le président de l'AMLAC. Et d'ajouter : «le seul parti qui soutient totalement l'association et qui a été très clair sur la question est le PPS. Il en va de même pour Nourredine El Azrak du RNI. Par contre, j'ai été très déçu par l'USFP qui n'a donné aucun point de vue sur la question». Quant à la position du ministère de la santé, le Pr Chraibi reconnaît que la ministre Yasmina Baddou semble vouloir s'impliquer davantage dans cette problématique. «Auparavant, la ministre lançait la balle aux partis politiques, à la société civile et sa position par rapport à la question de l'avortement n'était pas précise. A présent avec la fin de son mandat, elle commence à être plus souple en reconnaissant que la réduction de la mortalité maternelle passe par la légalisation de l'avortement dans des cas bien précis», affirme-t-il. Mais tout le problème réside au niveau de l'article 453 du code pénal (voir encadré). Selon le Pr Chraibi, la question de l'avortement pourrait être facilement réglée si l'article 453 était mieux interprété et plus précis. Ainsi, selon cet article, l'avortement n'est autorisé que dans le cas où la vie ou la santé de la mère sont mis en jeu sans tenir compte de sa santé psychique. Cela dit, le Pr Chraibi tient à préciser que si l'on se réfère à la définition de l'OMS, il est possible d'observer que la définition de la santé prend en compte à la fois l'aspect physique et mental: «la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». L'AMLAC compte beaucoup sur la rentrée parlementaire pour que les choses avancent.En attendant la mise en place de ce projet de loi, des centaines de femmes meurent chaque jour comme l'atteste le président de cette ONG. «800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc dont 600 médicalisés et 200 non médicalisés. Pour la seule ville de Rabat, au moins 50 avortements ont lieu chaque jour. La situation est encore plus catastrophique à Casablanca où 150 avortements sont pratiqués chaque jour sans compter les villes du tourisme sexuel notamment Marrakech et Agadir», précise-t-il. Selon le Pr Chraibi, autoriser l'avortement (sous conditions) permettra aux femmes, souvent démunies et victimes de leur ignorance, d'avorter en milieu hospitalier, à un coût raisonnable et sans complications. «En légalisant l'avortement au Maroc sous des conditions bien précises et délimitées nous sauverons des milliers de jeunes femmes de complications graves et de la mort , mais aussi de la débauche car souvent lorsqu'elles se retrouvent enceintes d'une manière illégale, leurs familles les rejettent et elles se retrouvent livrées à elles-mêmes dans la rue», conclut-il. Ce que dit la loi L'article 449 du code pénal punit de 1 à 5 ans de prison et d'une amende de 200 à 500 DH quiconque par aliments, breuvage, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen, a provoqué ou a tenté de provoquer l'avortement d'une femme enceinte, qu'elle y ait consenti ou non. Pour l'art. 453, l'avortement n'est pas puni quand il vise à sauvegarder la vie de la mère à condition qu'il y est consentement du conjoint. En l'absence de ce consentement, il faut avoir celui du médecin-chef de la préfecture et en cas d'urgence, il suffit que ce dernier soit seulement avisé. L'article 454 punit de 6 mois à 2 ans de prison toute femme qui s'est livrée à l'avortement. Quant à l'article 455, celui-ci punit l'avorteur de deux mois à deux ans, même si l'acte n'a pas abouti. Et des mêmes peines, le vendeur des produits avortant et les complices d'avortement.