Le premier congrès national sur l'avortement s'est tenu les 28 et 29 mai à Rabat. La légalisation de l'avortement n'est pas dans l'agenda du Parlement. La mise en place d'un projet de loi légalisant l'avortement se fait attendre. Convaincre les députés de rédiger un projet qui autorise l'avortement dans des cas bien précis : viol, inceste, malformations fœtales, filles mineures, femmes âgées de plus de 45 ans, pathologies psychiatriques est loin d'être une affaire facile. «Le Parti de la justice et du développement (PJD) et le parti Authenticité et Modernité (PAM) ont clairement affirmé qu'ils étaient en faveur de l'élaboration d'un projet de loi légalisant l'avortement et ce uniquement dans certains cas. Mais les rencontres avec les partis politiques sont rares et nous avons du mal à avancer», a déclaré à ALM Pr Chakik Chraïbi, président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC). Et de poursuivre «Le débat sur l'avortement connaît un recul en raison des partis politiques qui ne sont pas engagés. Seul, un signal royal sera en mesure de faire avancer les choses». Pour débattre de la problématique des grossesses non désirées, des experts médicaux, des religieux, des juristes et des hommes politiques ont participé au premier congrès national sur l'avortement qui s'est tenu les 28 et 29 mai à la Bibliothèque nationale de Rabat. La ministre de la Santé, Yasmina Baddou n'a pas répondu présente à l'invitation du Pr Chraïbi.Il en va de même pour l'Association marocaine de planification familiale (AMPF) qui a fait de l'avortement son cheval de bataille.Autre grand absent : Dr Réda Benkhaldoun, député et membre du bureau du PJD. Selon Pr Chraibi, près de 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc dont 600 médicalisés et 200 non médicalisés. Ce congrès a été l'occasion de mettre en exergue les complications des avortements. Pour Ahmed Moussaoui, professeur de gynécologie obstétrique à Rabat, le problème n'est pas de légaliser ou d'interdire l'avortement mais d'agir au niveau de la pratique médicale. «Un avortement cause toujours des dégâts même lorsqu'il est bien fait», a-t-il affirmé. Les causes de décès suite aux avortements provoqués sont nombreux : accidents d'anesthésie, arrêt cardiaque, hémorragie incontrôlable, perforations utérines, lésions viscérales profondes. Les avortements sont parfois réalisés dans des conditions catastrophiques. «N'ayant pas la somme de 8.000, voire 10.000 DH pour une IGV, bon nombre de femmes se dirigent alors chez les faiseuses d'ange moyennant la somme de 300 à 400 DH pour se faire avorter. Celles-ci utilisent toutes sortes d'objet tels que des aiguilles à tricoter ou encore des plantes abortives», a souligné Pr Moussaoui. Pire encore. «Un jour, une femme est arrivée avec des comprimés de potassium qu'elle a introduits dans son vagin. Cela lui a brûlé le vagin et a provoqué des hémorragies catastrophiques», a affirmé Pr Chraïbi. Le Pr Moussaoui n'a pas manqué de souligner que l'IGV médicalisée comporte également de nombreux risques et que les complications peuvent être similaires à un avortement non médicalisé. «Il faut une législation des actes IGV avec une médicalisation du service ainsi qu'une charte d'obligation de moyens. Nous devons demander l'avis des femmes car elles sont les premières concernées à travers le « counseling pré-opératoire», a t-il recommandé avant de rappeler que «trois gynécologues sont actuellement en prison pour incidents mortels suite aux IGV». «Les recommandations de ce congrès seront adressées au Parlement, au secrétaire général du gouvernement et éventuellement à SM le Roi Mohammed VI», a souligné le président de l'AMLAC.