Le théologien Mustapha Benhamza estime que nul n'a le droit d'entamer le débat sur l'avortement sans consulter les ouléma au préalable. ALM : L'Association de lutte contre l'avortement clandestin va lancer un débat national sur l'avortement. Qu'en pensez-vous? Mustapha Benhamza : Qu'une association ou tout autre organisme entame le débat sur l'avortement clandestin sans se soucier de l'avis de la doctrine islamique et sans consulter au préalable les ouléma n'est pas une bonne chose. Nous ne devons pas mener un débat qui se rapporte à une partie de la société -les fœtus victimes de l'avortement- en mettant à l'écart l'avis des ouléma, étant donné que la société marocaine s'attache fermement à son référentiel islamique. Ceci ne sert nullement l'objectif de la démocratisation de la société. La démarche de cette association contredit la pratique même des pays non-musulmans. Je vous rappelle, qu'à titre d'exemple, les Pays-Bas ont consulté, à la veille de l'ouverture du débat sur l'échange des membres humains, les ouléma pour prendre en considération la spécificité des communautés musulmanes vivant dans ce pays. Moi-même j'ai participé à ce débat. Selon cette association, il y aurait chaque jour près de 800 avortements clandestins au Maroc. Quelle lecture faites-vous de ce constat? Ce chiffre avancé par cette association suscite plusieurs points d'interrogation. A partir du moment où l'avortement se fait d'une manière clandestine, comment cette association est-elle parvenue à recenser ce phénomène? Le fait de lancer des estimations sur le nombre des avortements sans s'assurer du degré de leur fiabilité n'est pas un travail objectif. Ainsi, nous ne devons pas trop compter sur ces statistiques non officielles pour en tirer des conclusions. La deuxième question qui se pose est celle de savoir si le seul caractère de clandestinité de l'avortement devrait suffire à le légaliser? Ainsi, tout ce qui se fait dans la clandestinité, notamment le viol, l'adultère, le vol ou la trahison à la nation devait être légalisé? A vrai dire, l'avortement se fait dans la clandestinité parce qu'il est réfuté par la société. Le légaliser, c'est s'opposer à la volonté de la société. Certains disent que la religion est un obstacle et non la solution. Que répondez-vous à cela? En fait, je ne possède pas la qualité pour émettre un avis de la doctrine. Cependant, je pense que le débat à propos de la légalisation de l'avortement concerne, en réalité, le destin d'une catégorie d'êtres vivants, auxquels on veut amputer le droit à la vie. Tout dépend ainsi de la vision que l'on fait de ces êtres vivants. Le fœtus est-il un morceau de chair qui fait partie intégrante de sa mère ou bien constitue-t-il une entité indépendante ayant une existence humaine propre. Tout dépend de la réponse à cette question. En fait, la science a démontré que le fœtus a des caractéristiques génétiques qui lui sont attribués par ses parents. Mieux encore, le fœtus contient des microcosmes qui lui sont attribués par ses ancêtres. L'Islam a été le premier à mettre l'accent sur le caractère humain du fœtus dès ses premiers jours. Le fœtus a ainsi le droit à la vie et il jouit pleinement des droits de l'enfant. Même dans les pays occidentaux, il y a plusieurs associations qui militent contre la légalisation de l'avortement. Le Vatican lui aussi est de cet avis. Ceci dit, et en dehors des considérations d'ordre religieuse, le Maroc a atteint un taux de natalité très surprenant de 2,36%. Bientôt on va atteindre le taux de 2 ou même 1,90%. La légalisation de l'avortement ne peut qu'accentuer le risque de la vieillesse de la société marocaine.