L'Association marocaine de planification familiale a réalisé une étude sur l'avortement à risque au Maroc. Objectif : élaborer un plaidoyer pour légaliser l'avortement en vue de préserver la santé de la femme. Chaque jour au Maroc, 600 avortements clandestins sont pratiqués. Accès difficile à la contraception, contraceptifs de mauvaise qualité, peur des effets secondaires… Les causes de ce difficile choix sont nombreuses, dont la santé de la mère, les problèmes sociaux ou de couple ou encore la grossesse hors mariage. L'absence de données sur la situation au niveau national ne permet de dresser aucun constat. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 13% de la mortalité maternelle au Maroc est imputée à l'avortement et représente 227 pour 100.000 naissances. Un chiffre alarmant lorsqu'on procède à une comparaison avec les statistiques effectuées en France (7,5 décès pour 100.000 naissances en 2002). Pour mettre en exergue cette problématique, une étude exploratoire sur l'avortement à risque a été réalisée par l'Association marocaine de planification familiale (AMPF). «L'objectif de cette étude est de plaider la cause des femmes victimes de cette pratique et de faire un constat sur l'avortement au Maroc. Les avortements à risque prennent une ampleur inquiétante et empêchent l'amélioration du taux de mortalité maternelle», affirme Mohamed Graigaa, directeur exécutif de l'AMPF, avant d'ajouter que «l'avortement ne doit pas rester un sujet tabou. Il faut en parler et établir un véritable débat national réunissant les professionnels, les hommes politiques, les ouléma et les juristes». Selon cette étude, la population cible exposée aux risques liés aux avortements à risque (AAR) est constituée des femmes en âge de procréer ( 15-49 ans). L'effectif est de l'ordre de 8.239.000, dont 52% sont mariées, 42% sont célibataires et 6% sont veuves, divorcées ou séparées. Plusieurs facteurs favorisent les AAR, en l'occurrence, le niveau d'instruction, le chômage, le recul de l'âge au mariage. Les avortements qui se pratiquent à longueur de journée entraînent des séquelles chez les femmes qui les ont pratiqués. La femme pense être libérer d'un fardeau, mais, en réalité, il n'en est rien. Elle renie le fait qu'elle s'est autorisée à tuer son fœtus et sombre dans la dépression. A ceci s'ajoutent les séquelles physiques qui sont nombreuses et mal connues. Il faut savoir qu'un avortement augmente les risques de stérilité d'environ 10% chez la femme . Et ce n'est pas tout, une femme a deux fois plus de chance de mourir d'un avortement légal que d'un accouchement légal et ceci à n'importe quel stade de développement du fœtus. Elle peut également souffrir de perforation utérine, déchirure du col de la matrice, hémorragies sans compter les risques de fausse-couche et de naissances prématurées. «Vu les séquelles importantes engendrées par l'avortement, notre devise est d'informer les citoyens sur les dangers de cette pratique. C'est pourquoi, il faudrait mettre l'accent sur la sensibilisation et essayer de trouver une solution à ce phénomène qui nous interpelle tous», indique M. Graigaa et de lancer un appel haut et fort : « l'avortement doit être légalisé pour la santé de la femme». Pour ce qui est de la législation, la loi est qualifiée de très répressive au Maroc. L'article 449 du Code pénal punit de 1 à 5 ans de prison et d'une amende de 200 à 500 DH toute personne ayant provoqué, ou tenté de provoquer un avortement avec ou sans l'accord de l'intéressée. L'article 454 punit de 6 mois à 2 ans toute femme s'étant livrée à l'avortement sur elle-même. Par contre, l'article 453 dépénalise l'avortement pratiqué pour sauver la vie de la femme, pour préserver sa santé physique et mentale. La répression ne saurait mettre un terme à ce problème. La prévention est plus que jamais indispensable pour éviter le recours à l'interruption de la grossesse. L'élaboration d'une politique nationale d'information garantissant l'accès à toutes les méthodes contraceptives est une nécessité. Pour faire face à ce fléau, il faudrait faciliter l'accès à la contraception et généraliser l'éducation sexuelle. Il est question, selon M. Graigaa, de susciter un débat qui «devrait déboucher vers l'adoption d'une stratégie de prise en charge des avortements à risque».