Alors que s'ouvrait hier à Rabat le second Congrès de l'Association Marocaine de Lutte contre l'Avortement Clandestin (AMLAC), son président, M. Chafik Chraïbi, en a profité pour tirer la sonnette d'alarme : chaque jour, des centaines de femmes continuent d'avorter dans la clandestinité au Maroc au péril de leur vie, et ce, afin de fuir les conséquences sociales d'une grossesse non-désirée. Selon lui et l'ensemble des autres intervenants, cette question touche toute la société marocaine et, par conséquent, le pouvoir politique marocain, qui n'a pas répondu hier à l'invitation de l'AMLAC. Entre 600 et 800. Ce serait le nombre d'avortements clandestins enregistrés quotidiennement au Maroc, selon M. Chafik Chraïbi, président de l'Association Marocaine de Lutte contre l'Avortement Clandestin (AMLAC) qui se réunissait hier à Rabat. Intervenant à l'occasion du 2nd Congrès de l'AMLAC, le Dr. Chraïbi a profité de sa présence dans les locaux de la Bibliothèque nationale du Royaume pour tirer la sonnette d'alarme : l'avortement clandestin, cette «véritable tragédie » selon ces mots, provoquerait des complications graves sur la santé des femmes marocaines, allant même parfois jusqu'à précipiter leur mort. «Il est préférable pour certains cas, à savoir le viol, l'inceste et les malformations du fœtus, de procéder à l'avortement dans de bonnes conditions médicales pour limiter les conséquences de l'avortement clandestin» a-t-il déclaré. Fuir les conséquences sociales d'une grossesse non-désirée D'après le spécialiste, fuir les conséquences sociales de ces grossesses non-désirées serait la raison pour laquelle des centaines de femmes prendraient le risque d'opter pour ce mode d'intervention chirurgical. Parmi elles, le Dr. Chraïbi évoque «le suicide, l'expulsion du giron familial, les crimes d'honneur, la hausse du nombre des enfants abandonnés et les peines d'emprisonnement à l'encontre des médecins et du personnel médical» comme autant de résultantes sociales possibles d'une grossesse consécutive à un viol ou à une inceste. Des propos que confirme la députée et ancienne ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, Nouzha Skalli, quand elle appelle à la nécessité de mettre en place une loi «visant à éviter les maux sociaux issues de la grossesse non désirée». Selon l'ex-ministre, qui sollicite le courage des pouvoirs politiques et de la société civile, c'est par le débat uniquement que peut être atteint «un consensus national» sur la problématique de l'avortement. Elle est rejointe en cela par Driss El Yazami, le président du Conseil national des droits de l'homme, qui pense que seule l'implication des diverses composantes de la société dans un débat réel et constructif est de nature à faire avancer la loi et les mentalités sur la question de l'avortement. Parlant de la nécessaire conjugaison des efforts pour empêcher la poursuite du phénomène de l'avortement clandestin, M. El Yazami se fait à son tour relais des positions de M. Abelali Alaoui Belghiti, un autre intervenant du Congrès de l'AMLAC qui, en sa qualité de directeur des hôpitaux et des soins ambulatoires au ministère de la Santé, indique que la solution de ce phénomène n'incombe pas uniquement au ministère de la Santé mais nécessite aussi «la mobilisation de toutes les parties concernées». Les trois axes de la politique de Mme. Hakkaoui : «chaise vide, autruche et poussière sous le tapis» Par «parties concernées», M. Alaoui Belghiti fait probablement allusion au Ministère du Développement social, de la Femme et de la Famille, et à sa responsable politique, Mme Bassima Hakkoui, foncièrement concernée par la problématique de l'avortement clandestin. Et pourtant, malgré la centralité de la question, il semblerait que la ministre ait à l'instar de son clan, choisi de pratiquer «la politique de l'autruche et de s'adonner à l'hypocrisie sociale ambiante» ironise le Journal Libération. Pour preuve, malgré les nombreuses sollicitations l'invitant à assister à la séance d'ouverture du Congrès de l'AMLAC, la ministre de la Femme était aux abonnés absents à la réunion d'hier. Comme le satirise le quotidien, Mme Hakkaoui, qui s'était déjà illustrée en proposant l'idée très controversée d'un référendum sur la question de l'avortement en février dernier, semble avoir préféré pratiquer «la politique de la chaise vide, de l'autruche et de la poussière sous le tapis» plutôt que de venir débattre sur un sujet délicat pour elle et son parti. La ministre n'est d'ailleurs pas la seule à être incriminable ici puisqu'aucun des membres du PJD n'était présent à l'ouverture du second congrès de l'AMLAC. Ce qui peut paraître curieux au regard du fait qu'il y a deux ans à peine, ce même parti avait invité le Dr. Chraïbi et son association à venir débattre de l'avortement clandestin sous la Coupole.