L'avortement clandestin, autrefois sujet tabou, devient aujourd'hui, pour certains partis politiques, une problématique prioritaire. Instrumentalisation politique ou prise de conscience tardive de l'ampleur du phénomène ? L'AMLAC estime à près de 600 à 800, le nombre d'avortements clandestins pratiqués chaque jour au Maroc, le tiers dans des conditions sanitaires déplorables. La problématique de l'avortement clandestin revient sur le devant de la scène. C'est l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) qui relance le débat à travers l'organisation de son 2e congrès, qui se tiendra le 12 juin à la Bibliothèque nationale du Maroc (BNRM) à Rabat. Y prendront part des professionnels de la santé, des acteurs associatifs, des militants des droits de l'Homme, des parlementaires et des hommes politiques, qui sont favorables à l'autorisation de l'avortement dans des cas extrêmes comme l'inceste ou le viol ou encore une malformation profonde du fœtus. A leur tête, le ministre PPS de la Santé, Houcine El Ouardi, et la vice-présidente du Parlement, Khadija Rouissi du PAM. Le PJD se désistera-t-il ? « Le climat politique est aujourd'hui propice au changement de la loi sur l'avortement. Le temps de la sensibilisation est passé. Tout le monde a compris l'urgence de la chose, vu les conséquences désastreuses d'une grossesse non désirée. Des jeunes filles décèdent dans des conditions inhumaines, des enfants naissent et sont abandonnés… Les hommes politiques, qui autrefois hésitaient à se prononcer sur la question, car elle était tabou, prennent clairement position aujourd'hui. C'est le cas du PPS et du PAM qui se mobilisent activement pour légaliser l'avortement », souligne Chafik Chraïbi, président de l'AMLAC. Selon lui, le PJD semble faire marche arrière. « Ces derniers mois, je n'arrive plus à joindre les dirigeants du parti comme Saad Dine El Otmani ou Abdelilah Benkirane. Auparavant, ils étaient facilement joignables et ils m'ont déclaré leur position favorable à un changement de la loi. El Otmani était même très pressé pour qu'un nouveau texte de loi voie le jour. Aujourd'hui, impossible de les joindre. Je ne sais pas s'ils ont retourné leur veste ou s'ils sont tout simplement occupés. Avec Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, il est plutôt impossible d'initier une discussion à ce sujet », regrette le président de l'AMLAC, qui souligne au passage que des contacts sont en cours avec Zoubida Bouayad, présidente du Groupe socialiste à la Chambre des conseillers. « J'ai eu droit à des promesses de sa part, mais la position de l'USFP n'est pas encore claire », poursuit-il. Le risque d'instrumentalisation politique de la question est manifeste. « Il est vrai que le danger d'instrumentalisation politique de cette problématique sociale est évident. Le PPS s'était activé en fin de mandat de Nouzha Skalli pour la légalisation de l'avortement. Tout comme le PAM. Auparavant, c'était le PJD. C'est une véritable course contre la montre que les partis politiques se livrent pour décrocher le titre du premier parti politique à faire une proposition de loi dans ce sens. Mon but est que ce combat aboutisse et qu'une nouvelle loi voie le jour. J'espère néanmoins que les partis politiques outrepassent les considérations politiques en faveur de cette action citoyenne ». L'AMLAC ambitionne, à l'issue du congrès, la constitution d'une coalition politique en faveur de la légalisation sur l'avortement et d'atteindre un consensus sur la question, en élaborant une proposition de loi. Par ailleurs, le président du CNDH (Conseil national des droits de l'homme), Driss El Yazami, participera également à cette rencontre-débat, qui vise à baliser le chemin à une éventuelle légalisation de l'avortement. Le CES (Conseil économique et social) y sera représenté par Hakima Himmich. Avortement clandestin : des chiffres alarmants Au Maroc, la mortalité maternelle a certes diminué de façon considérable au cours de la dernière décennie, toutefois, souligne l'AMLAC, elle demeure encore relativement élevée (112/100 000), et l'avortement clandestin en constitue une cause majeure. « On estime à près de 600 à 800 le nombre d'avortements clandestins qui ont lieu tous les jours au Maroc, le tiers dans des conditions sanitaires déplorables », regrette l'ONG, qui fait de la légalisation de l'avortement son principal cheval de bataille. Depuis sa création en 2008, l'AMLAC mène une croisade sans merci pour briser le tabou qui entoure cette question et réviser la législation en vigueur pour éviter les drames causés par des grossesses non désirées. * Tweet * * *