La ministre Nouzha Skalli vient de se prononcer ouvertement pour un droit « partiel » à l'avortement. Soulagées, des ONG se préparent à lancer une marche pour tirer la sonnette d'alarme sur le recours clandestin, et dangereux de cette pratique. Il serait temps, pour la femme marocaine, de se voir accorder le droit d'avorter. « Il n'est pas question d'une légalisation absolue, mais partielle qui permettrait à la mère de mettre un terme à sa grossesse dans certaines conditions, dont la malformation avérée du fœtus, le déséquilibre mental de la mère ou encore sa précarité ». C'est ce qu'a déclaré la ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, Nouzha Skalli, alors qu'elle évaluait, au début de cette semaine, les acquis et les défis de la femme marocaine durant cette décennie. Une voix de plus, officielle qui plus est, pour les militants du droit à l'avortement. « Nouzha Skalli, mais aussi Yasmina Baddou se sont prononcé pour l'avortement et l'ont d'ailleurs réitéré à plusieurs occasions notamment à la télévision », constate le président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC), Pr. Chafik Chraïbi. Et de rappeler qu'un mémorandum à ce propos a été remis à la commission de révision de la Constitution, afin de prendre en compte le danger que représente l'avortement clandestin sur la santé des femmes. « C'est pourquoi le droit à la vie à été reconnu par la Constitution. Pour nous, cette vie dont il est question est celle de la mère, alors que pour d'autres, c'est celle du fœtus », affirme le président de l'AMLAC. A chacun son optique, mais les militants pour le droit à l'avortement sont conscients que leur combat ne s'arrêtera pas de sitôt. « Nous comptons organiser une marche au début de l'année prochaine, probablement au mois de janvier. Ce sera une marche pacifiste à laquelle participeront médecins, féministes, associations et militants convaincus de l'urgence de l'allègement de la loi sur l'avortement », annonce Pr. Chafik Chraïbi. L'AMLAC a tenté, depuis bientôt deux ans, de rallier les partis à sa cause pour susciter un débat national et briser le tabou. « Certains, dont le PPS, le PJD et le RNI ont montré une ouverture d'esprit et leur disposition à se mobiliser à nos côtés. Mais le PAM, qui avait montré une grande ferveur au début, semble se détacher de plus en plus », regrette le président de l'AMLAC précisant qu'il déplore également « l'indifférence de l'USFP » ayant refusé, jusque-là de donner suite aux appels de l'AMLAC. «Pour nous, cette vie dont il est question est celle de la mère, alors que pour d'autres, c'est celle du fœtus». Pr. Chafik Chraïbi. Mobilisation, à l'Association marocaine de planification familiale (AMPF), le droit à l'avortement est aujourd'hui la cause commune d'une coalition. « Nous avons constitué une coalition à laquelle adhèrent, pour le moment, 8 ONG. Nous avons également invité les départements ministériels à y adhérer », indique le directeur exécutif de l'AMPF, Mohamed Graigaa. Ayant été l'une des premières ONG à avoir étudié de très près le fléau de l'avortement clandestin, l'AMPF estime que la population cible, exposée aux dangers liés aux avortements à risque est constituée par les femmes en âge de procréer ayant entre 15 et 49 ans. L'effectif serait de l'ordre de 8.239.000, dont 52% seraient mariées, 42 % célibataires et 6% veuves, divorcées ou séparées. Pour l'AMPF, toute femme non couverte par une méthode contraceptive est susceptible de faire une grossesse non désirée. « Pour nous, ce qui est urgent c'est l'information. Les femmes doivent être informées du danger que représentent les avortements à risque, mais aussi sur l'avortement thérapeutique », estime le directeur exécutif de l'AMPF. La Coalition devra réunir ses membres avant la fin de l'année pour décider des actions à mener. En attendant, l'AMPF tiendra son conseil national le 28 de ce mois pour débattre des politiques de l'avortement et rappeler que le meilleur moyen d'avorter reste la voie thérapeutique et non clandestine.