Dr. Chafik Chraïbi, président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) L' AMLAC vient de tenir un congrès national les 28 et 29 mai 2010 sous le thème «Ensemble contre l'avortement à risque». C'était la première sortie publique de l'association présidée par Dr. Chafik Chraïbi. Bilan d'une rencontre inédite. L'Observateur du Maroc. Quelles sont vos conclusions au terme du congrès que votre association vient d'organiser ? Dr. Chafik Chraïbi. Sur le volet prévention, il s'agit d'encourager l'éducation sexuelle au sein de la famille, des associations et des écoles par le biais d'un personnel formé et compétent. L'Education nationale doit être incitée à l'introduire de façon formelle dans le cursus scolaire à raison d'environ 1 heure par semaine. Ensuite, il faut promouvoir le droit de la femme à la contraception, quel que soit son statut matrimonial, mettre en place des centres d'écoute contre les violences sexuelles, et conseiller et orienter les femmes victimes d'une grossesse non désirée. Que demande l'AMLAC exactement concernant l'article 453 du code pénal? On demande simplement que ce texte soit amendé pour autoriser l'avortement quand la vie ou la santé physique et/ou mentale sont menacées : avortement en cas de viol, d'inceste, de personnes soufrant d'un retard mental, de filles mineures, de malformations f?tales graves ou pouvant engendrer un lourd handicap psychomoteur. On recommande aussi la dépénalisation de la femme-mère célibataire, qu'il faut assister et non plus orienter vers la police. De cette manière, on pourra assurer la traçabilité de l'enfant au lieu de le voir abandonné par sa maman. Les partis politiques ont-ils répondu présent à votre invitation ? Je déplore leur absence. Seul le PPS était présent officiellement. Le RNI était présent, mais de manière quasi officielle. Le PJD a pris part aux travaux également, mais pas officiellement. Ce parti prétend qu'il n'a pas reçu notre invitation, alors que j'ai eu une réponse de Saâd Eddine Othmani, qui s'est excusé pour des considérations d'agenda et il a promis que le parti sera représenté par Réda Benkhaldoun. C'est de la mauvaise foi. Le PAM et l'USFP avec qui j'étais en contact n'ont pas répondu. En aparté, des membres de tous les partis politiques m'ont assuré de leur soutien, mais aucun d'entre eux ne veut le dire publiquement. Je suis déçu du PJD et de l'ensemble des partis politiques. En revanche, les associations féministes crient haut et fort pour qu'une réforme de la loi ait lieu. Quel sera la prochaine étape pour vous ? L'AMLAC va envoyer ses recommandations au Parlement, au secrétariat général du gouvernement et au cabinet royal. Si après un moment, on ne voit rien venir, on va passer à la vitesse supérieure : l'organisation d'un référendum sur l'encadrement de l'avortement. C'est possible, car la société est largement sensibilisée à la question. On vous compare à Simone Veil. Est-ce, pour vous, un signe de la réussite de votre combat ? A propos de S. Veil, on l'a invitée à notre congrès, mais elle s'est excusée pour des raisons de santé et d'agenda. Je suis fier que le tabou soit tombé car l'avortement est un fléau et une injustice sociale. Le vrai péché c'est d'empêcher une fille qui a subi un viol de pouvoir avorter dans des conditions sanitaires convenables, car elle finit par se tuer ou abandonner son enfant dans la rue.