Dans une déclaration écrite, des experts mandatés par les instances de l'ONU ont critiqué la France pour ses décisions contre le port du voile dans le sport. Selon eux, le pays n'a «pris aucune mesure pour s'assurer que les interdictions adoptées par les fédérations sportives soient proportionnées et fondées sur les motifs reconnus en droit international pour justifier une limitation des droits humains». Le Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles et trois rapporteurs spéciaux mandatés par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU ont appelé la France, mardi, à «revenir sur les mesures discriminatoires interdisant aux femmes et aux filles qui choisissent de porter le hijab de participer aux sports, et assurer le respect de ses obligations internationales en matière de droits humains». Dans un communiqué diffusé hier sur le site du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, les experts notent que les sportives de confession musulmane et qui portent le voile «doivent avoir des droits égaux de participer à la vie culturelle et sportive» et de «prendre part à tous les aspects de la société française dont elles font partie». La déclaration souligne que «contrairement à son affirmation du 22 décembre 2023, en réponse à la communication des Rapporteurs spéciaux, et aux objectifs énoncés d'inclusion», les experts ont noté que la France n'a «pris aucune mesure pour s'assurer que les interdictions adoptées par les fédérations sportives soient proportionnées et fondées sur les motifs reconnus en droit international pour justifier une limitation des droits humains». En l'espèce, l'initiative est qualifiée de «discriminatoire» et doit «être annulée». L'interdiction de participation aux JO 2024, la goutte qui a fait déborder le vase Les experts énumèrent en effet des initiatives «disproportionnées et discriminatoires», notamment celles prises par les fédérations françaises de football et de basketball excluant les joueuses amateures et professionnelles voilée des compétitions. Ils ont épinglé aussi l'interdiction des athlètes portant le hijab de représenter la France, lors des Jeux olympiques de Paris (JO 2024). L'été dernier, le gouvernement a fondé cette décision sur une jurisprudence du Conseil d'Etat, invoquant le respect dû à la laïcité et au principe de neutralité. France : Les collants et cuissards des footballeurs anti-laïc selon la FFF Le 29 juin 2023, le Conseil d'Etat a en effet rendu un arrêt validant la décision de la Fédération française de football (FFF) d'«interdire tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale lors des compétitions sportives», conformément à l'article 1 du règlement de l'instance, qui y a intégré le principe de neutralité en 2016. Dans le contexte des JO, le Comité olympique international (CIO) n'interdit pas le port de couvre-chef lors des compétitions. En l'espèce, les experts onusiens soulignent une contradiction avec le droit des concernées à «manifester librement leur identité, leur religion ou croyance en privé et en public, et de prendre part à la vie culturelle». Selon la même source, «la neutralité et la laïcité de l'Etat ne sont pas des motifs légitimes d'imposition de restrictions des droits à la liberté d'expression et à la liberté de religion ou de conviction». Dans le temps, huit organisations de sport et de défense de droits humains s'en sont saisies, d'autant que les sportives des autres pays participants aux JO 2024 n'ont pas été concernées par la mesure du gouvernement français. JO 2024 : A rebours du CIO, la France interdit le voile à ses athlètes Portant le sceau de Basket Pour Toutes, Athlete Ally, La Sport & Rights Alliance, Amnesty International, le Comité pour la protection des journalistes, Human Rights Watch, Transparency International Allemagne et World Players Association, un courrier a justement rappelé qu'en septembre 2023, le CIO «a déclaré publiquement que les restrictions imposées aux athlètes françaises de confession musulmane lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris annoncées par la ministre des Sports française en septembre 2023 ne s'appliqueront pas aux athlètes représentant d'autres nations dans le village olympique». les experts mandatés par l'ONU décrivent «un contexte d'intolérance et de fortes stigmatisations envers les femmes et filles choisissant de porter le hijab», tout en insistant que la France «doit prendre toutes les mesures à sa disposition pour les protéger, assurer leurs droits et promouvoir l'égalité et le respect mutuel de la diversité culturelle».