L'association Insaaf de soutien aux mères célibataires et aux petites bonnes a enfin retrouvé la jeune femme qui s'est jetée du 5° étage d'un immeuble de Bourgogne, à Casablanca, mercredi dernier. Hospitalisée, elle a raconté son histoire : une vie faite de misère et d'exploitation quotidienne depuis ses 14 ans. Violée en 2010, elle n'aurait reçu aucun soutien de sa famille. Au désespoir, elle en était, mercredi, à sa deuxième tentative de suicide. Il aura fallu qu'elle tente de se suicider deux fois pour enfin être entendue. «Il semblerait qu'elle parle aisément de sa vie, elle a sans doute besoin d'évacuer tout ça», rapporte, aujourd'hui, mardi 15 janvier, Omar El Kindi, membre de l'association Insaf (Insitut National de Solidarité avec les Femmes en Détresse), à Casablanca. N.N, la jeune femme de 19 ans qui a sauté par la fenêtre de l'appartement où elle travaillait comme domestique, mercredi 9 janvier, a été retrouvée, il y a quelques jours à peine, dans un hôpital de Casablanca par l'association Insaf qui aide les mères célibataires et les petites bonnes. Il semble que les jours de la jeune femme ne soient pas en danger. Le jeune homme qui s'est placé en dessous d'elle, lors de sa chute, pour la récupérer, lui a sauvé la vie en perdant la sienne. «D'après ce que m'ont rapporté les assistantes sociales qui se sont rendues à son chevet, elle compte plusieurs fractures aux bras, elle a du mal à voir parce que son visage et ses yeux sont tuméfiés. Elle a aussi un problème à l'épaule qui pourrait nécessiter une opération», explique Omar El Kindi. Domestique depuis ses 14 ans La jeune femme, en dépit de ses blessures, a raconté son histoire. Originaire d'un village reculé près de Taounate, elle a été engagée comme petite bonne, il y a 5 ans, dans plusieurs grandes villes du centre et de l'est du royaume. Elle avait alors seulement 14 ans. Depuis 2008, donc, elle travaille pour sa famille, car «comme beaucoup de petites bonnes», précise Omar El Kindi, son père touche directement son salaire. En 2010, elle a été victime d'un viol, à Marrakech. Depuis,ses parents, selon elle, refusent de la recueillir chez eux et continuent à l'envoyer de maison en maison. Il y a deux mois, elle a été embauchée, par l'intermédiaire d'un simsar, par une famille de médecins qui habite le quartier de Bourgogne, comme domestique. «D'après ce que nous savons aujourd'hui, ils la traitaient plutôt correctement et ils l'ont embauchée alors qu'elle avait 19 ans, on ne peut donc pas parler de «petite bonne», aujourd'hui, même si elle l'a été longtemps», explique Omar El Kindi. Aujourd'hui ses employeurs lui rendraient visite régulièrement à l'hôpital. La cause exacte de sa tentative de suicide n'est pas connue, mais l'accumulation des sévices et des maltraitances qu'elle a subi suffisent à expliquer son geste. Exaspérée, elle a fait une première tentative de suicide en s'ouvrant les veines. Face à l'indifférence générale, elle a sauté par la fenêtre mercredi dernier. Hébergée à Fès ? «Aujourd'hui, nous recherchons un hébergement pour elle à Fès, par l'intermédiaire d'association locales partenaires», explique Omar El Kindi. Fès, car il s'agit de la rapprocher des ses parents avec qui les liens sont très faibles. «Son père est venu à l'hôpital, mais elle refuse catégoriquement de le voir, indique Omar El Kindi. Il est dans l'incompréhension la plus totale ; il n'a absolument pas conscience d'avoir mal agi. Il n'a jamais eu l'intention consciente de la blesser. Dans son comportement de père, il y a une grande part d'ignorance mais aussi de cupidité.» Si l'Insaf voudrait, à présent, dans la mesure du possible, renforcer leurs liens, c'est que l'association a bien conscience «que passé le temps du breaking news plus personne ne s'intéressera à elle.» Zéro information Jeudi 10 janvier, le lendemain du drame, malgré l'émotion suscitée à Casablanca, aucune association n'était encore parvenue à localiser la jeune N. N. « Il nous a fallut trois pour parvenir à savoir dans quel hôpital elle avait été transportée et la rencontrer, soupir Omar El Kindi. Les associations n'ont aucun statut légal. Soit les responsables de la police et des hôpitaux nous donnent de fausses informations, soient ils refusent tout net de nous en donner. Encore une fois, il a fallut demander, insister et louvoyer pour parvenir à accéder à la jeune femme. »