«Enfants du péché», c'est en ce terme révoltant qu'on les traite à tort. Ces petits nés hors mariage bien qu'ils n'aient fait aucun mal, sont stigmatisés non seulement socialement mais juridiquement également. A commencer par la liste des prénoms qu'on impose aux mères célibataires lors de l'inscription de leurs enfants au registre de l'état civil. Ce qu'on inflige à ces dernières n'est pas moins clément, elles n'ont pas d'autorité parentale sur leurs enfants et sont sujettes à toutes sortes de maltraitance, d'exclusion sociale et de pression psychologique. Tour d'horizon sur les droits dont dispose une mère célibataire et sur ceux dont elle demeure privée au Maroc. 27.200 mères célibataires, c'est le chiffre recensé en 2009 par l'association Insaf, l'une des organisations qui mènent une lutte acharnée contre la discrimination à l'égard des mères célibataires et de leurs enfants. Ce chiffre est en croissance de 2,3% tous les ans et les efforts fournis pour venir en leur aide restent louables mais insuffisants, voire minimes. Le manque d'appui qui, lui, est essentiellement dû au manque de moyens dont dispose le tissu associatif souvent livré à lui-même dans ce genre d'action, a fait en sorte que le nombre d'enfants abandonnés soit des plus alarmants. Des 8.760 enfants abandonnés, 80% sont le fruit de relations extraconjugales. «C'est l'équivalent de 24 enfants abandonnés par mois, soit un enfant abandonné par jour !», explique Omar El Kindi, président de l'association Insaf. Le tableau dressé par ce dernier sur la situation des mères célibataires au Maroc et surtout de ces textes de loi leur compliquant davantage l'existence, est interpellant. «Nous sommes en plein dans la schizophrénie sociale, pour ne pas dire officielle», s'indigne Omar El Kindi. Ce qui le pousse à avancer ces propos c'est, en premier lieu, le fait que le Royaume ait ratifié un nombre de conventions censées préserver les droits des mères célibataires et des enfants nés hors mariage sans que cela prenne effet sur le terrain. A commencer par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). L'article premier de ce texte a été on ne peut plus clair en stipulant que «l'expression «discrimination à l'égard des femmes» vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine». Or, rien qu'en essayant d'obtenir un document administratif, la mère célibataire en voit de toutes les couleurs. Sur le plan local, constitutionnel donc, il est à noter que du préambule, les articles 19, 20, 31 et jusqu'à l'article 32, les promesses sont des plus belles. Allant de l'égalité, droit à la vie, protection juridique, considération sociale et morale, accès aux soins et au logement… la Constitution du Royaume impose à tous les acteurs de mobiliser tous les moyens afin de garantir une vie digne aux enfants, quelle que soit leur situation familiale. «Il est à comprendre que ce n'est pas de la charité qu'il s'agit, c'est une obligation constitutionnelle et malheureusement, il suffit de prendre l'opposé de tous ces droits précités pour avoir un tableau clair sur la situation des enfants nés hors mariage au Maroc», précise la même source. La circulaire qui fait plus de peur que de bien Durant les années 80, paraît-il, une circulaire a été émise par le ministère de l'intérieur imposant aux hôpitaux d'alerter les autorités dans le cas où une mère célibataire se présente avec son enfant. «C'est une aberration. On comprendrait bien que ce soit fait dans le souci de limiter l'abandon des enfants mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Nous sortons d'une ère où les gens sont traumatisés à l'idée d'avoir affaire à la police. Aujourd'hui même, ces femmes, de par leur situation, sont terrifiées», s'insurge le président de l'association Insaf qui, afin de démontrer l'ampleur des conséquences de ce genre de circulaires, a cité l'exemple d'une mère célibataire ayant jeté son enfant de la fenêtre d'un hôpital en apprenant que les autorités étaient alertées de sa présence. Ce qu'il faut savoir ici, c'est que le code pénal marocain interdit les relations extraconjugales. Dans l'article 490, il est noté que la peine appliquée dans ces cas peut aller d'un mois jusqu'à trois années de prison. Mise à part ce fait, en cas d'adultère, l'article 492 du code pénal stipule que si la conjointe retire sa plainte, le mari est illico innocenté. C'est-à-dire clairement que cette femme peut se retrouver quelques mois plus tard avec un enfant né hors mariage et subira, seule, toutes les contraintes que sa situation engendre sans que le père biologique ait une quelconque responsabilité juridique.