Le torchon brûle entre le PJD et le PPS. En cause, la réforme du Code de la famille. Un sujet qui a toujours divisé les deux partis. Des divergences que leur «mariage», entre décembre 2011 et avril 2017, durant le gouvernement Benkirane, avait pu contenir. Après des années de réconciliation, la révision du Code de la famille marque une rupture entre les islamistes du PJD et les camarades du PPS. En témoignent les flèches décochées, dimanche 3 mars à Casablanca, par le secrétaire général du Parti de la Lampe en direction de son ancien «allié» Nabil Benabdellah, dans le gouvernement que présidait Abdelilah Benkirane de janvier 2012 à avril 2017. S'inscrivant en faux contre les recommandations signées par l'USFP et le PPS, publiées dans le communiqué conjoint du 16 février, portant sur la réforme du Code de la famille, Benkirane a mis dans le même panier et Benabdellah et Driss Lachgar, le premier secrétaire du Parti de la Rose. Il les accuse de «s'opposer au Coran et au rite malékite» et de manquer de courage «pour l'exprimer publiquement aux Marocains». Pour rappel, les deux formations de gauche avaient recommandé d'intégrer dans le prochain Code de la famille des dispositions prônant notamment l'égalité de façon claire entre homme et femme, l'interdiction et la pénalisation des mariages des filles mineures, l'affirmation de la responsabilité commune du couple en matière de tutelle sur les enfants, l'interdiction de la polygamie, l'annulation de l'héritage par agnation (Taassib) et l'abrogation de l'article 400 de l'actuel Code de la famille. Ce texte exige, en effet, de se référer aux prescriptions du rite malékite et/ou aux conclusions de l'effort jurisprudentiel (Ijtihad), pour tout ce qui n'a pas été expressément énoncé dans le Code de la famille. Une division feutrée qui vire, désormais, à l'affrontement direct Les accusations de Benkirane ont fait sortir de ses gonds le président du groupe du PPS à la Chambre des représentants, Rachid Hammouti. Il a dénoncé des «déclarations dangereuses et offensantes» pour «la société marocaine et l'expérience démocratique naissante». Le député a pointé aussi une «violation flagrante du devoir de respect entre dirigeants et partis politiques». Sur ses réseaux sociaux, Hammouti a condamné «des déclarations qui incitent à la «Fitna» et à la division sociétale, et contiennent une menace explicite de «révolte» contre tout modernisation de la réforme du Code de la famille». Cet affrontement entre les islamistes et les camarades ne constitue est loin d'être une surprise. Même au temps de la «lune de miel» entre les deux partis, durant les années du gouvernement Benkirane. En témoignent les empoignades, de mars 2014 sur la réforme de l'article 20 de l'actuel Code de la famille, portant sur les conditions des mariages des mineurs. Des divergences que les enjeux de l'alliance scellée, en décembre 2011, entre Benkirane et Benabdellah, avaient pu contenir dans un cadre limité, à savoir : le Parlement. Ainsi, tout débordement sur la place publique a été évité, le temps de cette trêve. Mais depuis, le contexte a changé. Le PJD a perdu beaucoup de plumes. Le PPS lui a tourné le dos et même conclu, le 15 décembre dernier, un accord de coordination avec l'USFP de Driss Lachgar. Un homme qui n'est guère «apprécié» par Benkirane en personne. Le 3 mars à Casablanca, le secrétaire général du PJD a menacé d'organiser une «marche millionième» contre les recommandations «hostiles à l'islam» dans le projet de révision du Code de la famille. Reste à savoir si cette fracture entre islamistes et camarades aura des conséquences sur le projet de motion de censure contre le gouvernement Akhannouch, que l'opposition prévoit de déposer au début de la session du printemps, en avril, à la Chambre des représentants.