La réforme de la Moudawana continue de faire couler beaucoup d'encre entre les courants traditionalistes et les visions différentes réclamant plus d'ouverture ou plus de droits pour les femmes et les enfants. A ce débat, les partis politiques ont chacun leur propre interprétation des choses. Beaucoup se rejoignent sur certaines idées, et d'autres se montrent plus extrêmes. Sur les sujets clivants qui divisent la société marocaine, les partis politiques eux aussi ne sont pas en reste. Leurs divergences sont bien claires sur certains débats relatifs aux libertés individuelles par exemple, sur la famille, la succession, la polygamie, avec en filigrane, toujours et encore, la question de la femme, sa place, ses droits, ce qu'elle mérite d'avoir et ce qu'elle ne mérite pas, selon eux. Et ce sont surtout les sujets ayant trait ou un référent religieux qui crispent le plus les débats. Entre ceux qui veulent s'affranchir de certaines lois pour garantir la justice, l'équité, la parité et, d'autres qui restent farouches à l'idée de modifier les codes et d'aller à contre-sens des lois islamiques, les partis politiques ont choisi leur camp. Toutefois, plusieurs de ces partis ne dévoilent pas leurs cartes de manière claire et honnête, plusieurs d'entre eux s'enfoncent dans des explications tortueuses pour éviter de prendre position de crainte de se faire taxer de parti « anti-islam », « occidentalisé », ou même de parti voulant sacrifier l' »identité marocaine traditionnelle ». Pourtant, le Roi Mohammed VI, dans son discours du Trône de juillet 2022, a bien donné ses instructions pour modifier le code de la famille et donner la place qui revient de droit à la femme marocaine au sein de la société. La femme marocaine représente 50% de la population et reste encore marginalisée à cause de lois archaïques qui servent les intérêts des hommes d'abord, elle se retrouve prisonnière d'une société qui a changé, d'habitudes, de mode de vie, mais pas de mentalité. Au niveau de la coalition gouvernementale, le Rassemblement national des Indépendants (RNI) au pouvoir, n'a pas été clair sur ses positions et reste dans la zone grise, le parti de l'authentcité et de la modernité (PAM) observe plus ou moins la même démarche si l'on exclue les prises de position progressistes et controversées de son secrétaire général et du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi. Aucun des deux partis n'est sorti publiquement défendre sa vision. Les autres formations se sont positionnées sur plusieurs sujets controversés dont la preuve de filiation où le parti du progrès et du socialisme (PPS), l'Istiqlal (PI), l'Union socialiste des forces populaires (USFP) sont tous d'accord, contrairement au parti de la justice et du développement (PJD), avec l'utilisation du test ADN pour prouver et entériner la filiation des enfants nés hors du cadre du mariage. Sur le sujet du mariage d'une marocaine musulmane avec un non musulman, naturellement le PJD refuse catégoriquement, l'USFP et l'Istiqlal sortent du jeu et ne se positionnent pas, contrairement au PPS qui estime que cela devrait être rendu possible. A noter que l'homme marocain musulman a le droit de se marier avec une non musulmane au Maroc même si les textes religieux recommandent aux musulmans (y compris l'homme) de ne pas se marier avec des non musulmans. Parallèlement sur le sujet de l'héritage dans un couple de religions différentes, le PPS se positionne comme favorable, comme la Fédération de gauche démocratique (FGD). Le PJD refuse et l'USFP et l'Istiqlal ne se prononcent pas. Sur le mariage des mineurs, tous les partis semblent être d'accord pour l'interdire et le punir. L'Istiqlal a une position plus nuancée en estimant qu'il est possible de l'autoriser à 16 ans dans des mesures exceptionnelles. Le PJD baisse encore plus l'âge en voulant autoriser les adolescentes de 15 à être des épouses. Concernant la polygamie, la FGD, le PPS et l'USFP plaident pour l'interdiction totale et sans exception, tandis que l'Istiqlal souhaite la maintenir, et le PJD veut la faciliter encore plus en supprimant les preuves qui doivent justifier le mariage avec une autre femme. En cas de divorce, ce sont au tour des modalités de séparation et de la tutelle des enfants qui reviennent dans les débats. Tous les partis s'accordent sur l'unification de types de divorce en ne retenant que deux moyens, soit à l'amiable (par consentement mutuel) soit par raison de discorde (chikak) en supprimant tous les autres types. Sur la tutelle, le PPS estime qu'elle doit être commune dans le mariage et doit être octroyée au parent ayant la garde. La mère a généralement la garde de l'enfant mais n'a pas de droits administratifs sur ses enfants, et dépend intégralement du père. La mère peut perdre la garde de ses enfants en cas de remariage, et cela est un point sur lequel tous les partis semblent être d'accord pour le supprimer. L'Istiqlal estime que la tutelle après le divorce doit dépendre du parent ayant la garde, comme le PPS et la FGD. L'USPF se démarque en estimant que les deux parents devraient avoir une égalité en termes de tutelle. Enfin sur l'héritage, c'est là où les divergences sont les plus palpables. L'Istiqlal ne veut rien changer en gardant le référent islamique qui ne consacre pas l'égalité hommes-femmes, même son de cloche chez le PJD qui veut en plus, maintenir le Taasib qui prévoit que les héritières n'ayant pas de frères avec qui partager l'héritage, se voient privées d'une partie de leurs biens au profit d'autres hommes de la famille comme des cousins ou des oncles. L'USFP suggère de réviser l'héritage selon la jurisprudence malékite, tandis que le PPS demande la suppression du Taasib et d'autoriser le testament pour les enfants (cela pour garantir surtout les droits des filles).