Les attentes sont grandes mais la réforme ne pourrait être que progressive, notamment au niveau de certains volets tel que celui de l'héritage. La révision d'autres sujets ne devrait pas susciter de débat, leur refonte étant évidente. Adopté en 2004, le code de la famille est en voie d'être revisité. Le discours royal du 30 juillet dernier a appelé à la nécessité de poursuivre la révision de la Moudawana. Le feu vert est donc donné pour parfaire la réforme initiée il y a près de vingt ans et qui avait constitué un véritable bond en avant de l'édifice juridique marocain. «Il n'en demeure pas moins que le code de la famille a besoin d'être revu et réadapté par rapport aux exigences et aux réalités d'aujourd'hui auxquelles on doit faire face», souligne Me Ghalia Benchakroun, avocate au barreau de Rabat, spécialisée en droit de la famille. Il s'agit ainsi dans le contexte actuel de disposer d'un code de la famille bien meilleur pour instaurer davantage d'égalité entre les hommes et les femmes en matière notamment d'héritage, de garde de l'enfant, de droit de tutelle, de mariage des mineurs, sans enfreindre cependant les textes coraniques formels. Les modifications doivent se faire en effet dans le cadre des préceptes de la religion musulmane. Mais à quoi peut-on s'attendre donc dans ce contexte et quelles sont les dispositions qui pourraient changer ? Il est peu probable que l'importante question de l'égalité en matière d'héritage soit la première à être abordée, même si elle constitue une des plus anciennes revendications des mouvements féministes. Sans transgresser les textes coraniques formels, il est possible toutefois de s'attaquer à la question de l'héritage par agnation, c'est-à-dire par voie de taassib. Cette règle contestée oblige les héritières n'ayant pas de frères à partager leurs biens avec des parents masculins du défunt. Cette disposition ne figurant dans aucun verset du Coran, aussi le taassib pourrait être la question première à être soulevée dans le cadre du volet de l'héritage. Droit de tutelle D'autres injustices sont susceptibles de se retrouver aussi très vite au cœur du débat. La révision de certains volets étant évidente. Il est en effet, pour tous, pas concevable et inacceptable de nos jours qu'un père ne puisse pas récupérer son droit de tutelle sur son propre enfant conçu hors mariage dont il reconnaît l'affiliation (Article148 du code de la famille), soutient Me Ghalia Benchakroun. De même, on ne peut plus tolérer qu'une mère se voit refuser sa demande d'expertise d'analyse ADN pour prouver l'affiliation de son enfant à son père sous prétexte qu'il n'a pas été conçu dans le cadre d'une relation conjugale ou fiançailles (Article 152 du code de la famille), et ce au moment où les preuves scientifiques apportées par des experts respectant les normes et standards universels en matière de processus d'établissement de la dite preuve constituent la base de toutes décisions judiciaires, ajoute l'avocate. De son avis, «il n'est pas aussi normal de ne pas inclure clairement et explicitement une expertise ADN en matière de reconnaissance de paternité et de filiation sans que l'on ne rentre dans des considérations dénuées de toute objectivité avec risque d'affliger à l'enfant toute forme de traumatisme psychologique et autres». Autre sujet auquel il faut s'attaquer, car il est souvent porteur de difficultés majeures pour la mère divorcée, c'est celui de la tutelle qui reste aujourd'hui selon la loi marocaine de droit au père (Article 236 du code de la famille). «Sans aller dans les extrêmes, ne serait il pas plus logique dans l'intérêt de l'enfant que cette tutelle soit partagée par l'un et par l'autre et puisse être exercée par chacun d'eux de manière indépendante», expose la juriste. Certains actes en effet ne devraient pas souffrir d'une telle condition pour n'en citer que quelques-uns : des écoles exigent l'autorisation du tuteur légal pour l'inscription de l'enfant, ou encore l'ouverture d'un simple compte bancaire au profit de l'enfant qui est conditionnée par l'autorisation du père, le retrait du passeport ne peut aussi être fait que par le tuteur et cela même quand la garde est confiée à la mère. Autant de situations pour lesquelles une révision de l'article 236 du code de la famille s'impose. Mariage des mineurs Il est aussi grand temps pour le Maroc de prendre sérieusement en considération ses engagements internationaux et mettre fin à certaines pratiques tel que le mariage des mineurs de moins de dix huit ans. Bien que la Moudawana de 2004 détermine la capacité matrimoniale à 18 ans, elle accorde aux juges un pouvoir de dérogation. Le mariage des mineurs – dont les effets néfastes ne sont plus à identifier ou à compter – est encore largement observé dans notre société, bien qu'il soit conditionné par l'accord du tribunal (Article 20 du code de la famille). Les seules vraies victimes de cette histoire restent ces jeunes filles dont certaines se retrouvent à un âge très jeune malheureusement mères et divorcées sans les moyens susceptibles d'offrir une éducation saine et décente à leurs enfants. C'est dans ce contexte que la société civile plaide encore et encore pour l'abolition de l'exception relative au mariage des mineurs. Dans la réforme en perspective, le renforcement des dispositions juridiques à l'encontre de cette pratique devrait faire l'unanimité. Mais comment concevoir un code de la famille bien meilleur, en phase avec le corps social sans confrontations, ni tensions, ni exclusions aucunes. Pour les juristes, il est primordial que l'ensemble des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, judiciaires et législatifs travaillent de concert et ce, afin de réaliser les objectifs escomptés et attendus des Marocaines et Marocains en matière de rééquilibrage des droits et obligations de tous par rapport à ce qui constitue le noyau et le fondement de la société marocaine, soit la famille. Aussi, dans ce contexte, il apparait nécessaire que soit engagée, une réflexion à laquelle participeraient tous les concernés afin d'établir sans plus attendre un véritable diagnostic de l'impact du code de la famille actuel sur la société marocaine et particulièrement les familles. Viendrait par la suite l'élaboration d'une feuille de route pour la révision du code en question. Les questions et modifications qui seront au cœur du débat pourraient diviser la société, c'est pour cela que la démarche participative est tout indiquée dans ce contexte. Une réforme se heurte toujours à des oppositions, voire des tensions, c'est naturel. Mais le changement, venant de la volonté royale, il ne peut donc qu'aboutir. «Il y va de la construction d'un modèle de société dans lequel les prochaines générations se retrouveraient aisément sans avoir à souffrir de traumatismes passés dont l'origine se retrouverait dans l'insuffisance et le manque de perspicacité des textes de loi», conclut Me Ghalia Benchakroun.