La crise malienne connaît aujourd'hui de nouvelles secousses, mais le Maroc reste incapable, en dépit de sa position de président du Conseil de sécurité de l'ONU, d'adopter une position claire. Partisan d'une intervention militaire africaine au nord-Mali sans être membre de l'Union africaine, il reste en dehors des débats cruciaux pour le Mali. Ce matin, mardi 11 décembre, le premier ministre malien, Cheik Modibo Diarra, a annoncé sa démission, avant d'être arrêté par l'armée. Alors que des évènements graves se succèdent au Mali et que la perspective d'une intervention militaire s'éloigne, le Maroc est, pour tout le mois de décembre, président du Conseil de sécurité des Nations unies. «En soi, un tel poste n'offre aucun pouvoir, il donne simplement pour un mois, une tribune particulière au pays qui préside», explique Kader Abderrahim, chercheur associé à l'Institut français de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). Le Maroc dispose d'une belle tribune en pleine crise malienne, mais pour y dire quoi ? Pas grand-chose ; car le royaume ne sait pas ce qu'il veut «il navigue à vue», estime le chercheur. A deux jours d'intervalle, deux articles, le premier algérien, le second marocain, tentent de définir la position du Maroc dans la crise politique et sécuritaire malienne actuelle. Une même réalité, pour deux analyses opposées. « Loin de constituer une surprise, la position du Maroc sur la crise malienne rejoint en tout point celle exprimée par la Cédéao au lendemain de la publication par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, de son rapport sur le Mali. Tout ce monde semble pressé d'aller faire la guerre dans l'Azawad», indique El Watan, dimanche 9 décembre. Non puis oui à l'intervention armée «Le Maroc souhaite une «démarche plus globale et mieux coordonnée» ! Autrement dit, la crise du Mali, contrairement à ce qui se laisse entendre dans les couloirs des Nations Unies, ne comporte pas que l'aspect militaire et les partisans de l'intervention armée, au nord du Mali, sont conviés à revoir leur copie», souligne le quotidien marocain Le Soir, deux jours plus tard. Pour Le Soir, le Maroc ne veut pas de l'intervention militaire, et selon El Watan, il milite pour cette même intervention. La contradiction qui apparaît dans la presse ne s'explique pas par l'incompétence des journalistes, ni seulement par leurs nationalités respectives, mais par la confusion réelle qui règne au plus haut sommet de l'Etat marocain. Le 2 août, Saâd Dine El Othmani, ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, se prononçait clairement contre une intervention militaire, privilégiant, comme l'Algérie, les négociations politiques. Depuis le 11 novembre, pourtant, le Maroc soutien la proposition de la Communauté Economique des Etats d'Afriques de l'Ouest (CEDEAO) d'une intervention militaire africaine. Internationaliser la crise malienne Depuis, il est encore très difficile de comprendre la position marocaine. Le royaume continue à soutenir l'intervention armée africaine «tout retard ou temporisation [...] ne fera que renforcer l'emprise et le contrôle des réseaux terroristes ou criminels sur cette région», presse Saâd Dine El Othmani, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, hier, lundi 10 décembre. En parallèle, «le Maroc tente d'internationaliser la crise malienne de la même façon qu'il le fait pour la question du Sahara», note Kader Abderrahim. Hier, le même ministre insiste encore devant le Conseil : «Le moment est venu d'asseoir une coopération et une coordination interrégionale inclusive entre les Etats du Sahel et ceux du Maghreb pour la stabilité de cet espace stratégique de l'Afrique. Les différentes organisations, rassemblées ici aujourd'hui, constituent une plateforme idoine pour asseoir une telle coopération.» Le Maroc marginalisé Plus explicitement, le Maroc voudrait devenir un acteur du débat autour de l'affaire malienne, or il n'a pas du tout le même poids que son voisin. «L'Algérie, sur le dossier du Mali, a été extrêmement sollicitée et entendue car elle dispose d'une expérience en matière de lutte anti-terroriste très forte. Ces éléments sont déjà parvenus à infiltrer AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique)», remarque Kader Abderrahim. Mi-novembre, l'Algérie a fait ses preuves, en obtenant d'Ansar Dine, le groupe islamiste et sécessionniste du nord du Mali, qu'il se retire d'Aqmi. Le Maroc, en comparaison, est dépassé «et un peu envieux de la position de force de l'Algérie sur ce dossier. Les Marocains se sentent marginalisés. Aujourd'hui, au Mali, tout se joue entre l'Algérie, la France, et les Etats Unis. Le Maroc voudrait entrer dans la boucle mais pour cela encore faudrait-il avoir une idée claire de ce qu'il veut pour la région», explique Kader Abderrahim.